Man of Steel par Hugo Harnois
En réalisant Watchmen, Zack Snyder a réussi à démystifier de manière magistrale la figure du super-héros. Il compte aujourd'hui faire l'inverse avec Man of Steel en élevant Superman au rang de légende vivante. Oubliez le mollasson Superman Returns de Bryan Singer, et découvrez les origines de Kal-El revisité par un réalisateur ambitieux, capable de faire ressusciter les morts (L'Armée des morts) et faire face à des dizaines de milliers de Perses (300).
Avec Christopher Nolan en scénariste et producteur de Man of Steel, l'influence du fabuleux Dark Knight est encore sûrement trop présente. Henry Cavill adopte la figure de Christian Bale : un homme à la face sombre, contemplant le monde avec un regard amer et tourmenté. Il s'agit peut-être de l'identité propre aux héros DC Comics : sont-ils vraiment des hommes ? Ont-ils la légitimité de combattre le crime et de prendre part au combat ? Quelles relations ont-ils avec le peuple qu'ils doivent sauver (la Terre, Gotham City) ?
Les scènes intimistes sont prépondérantes dans les films de super-héros car ce sont elles qui donnent à l'œuvre sa pertinence et sa subtilité. Elles sont dans Man of Steel réussies (notamment les flash-back, brillamment filmés à hauteur d'enfants) mais trop rares. Zack Snyder essaye de comprendre la véritable nature de Kal-El. Ce dernier est un héros à la fois mythique et tragique car il n'a ni identité, ni patrie. C'est précisément dans ces passages que le cinéaste excelle car il arrive à cerner un homme mystérieux fait de contradictions. La figure du méchant incarnée par le très bon Michael Shannon (rare dans ce genre de productions) est elle aussi intéressante, car elle n'est pas mauvaise au sens propre du terme. Cet homme a juste été programmé pour défendre sa planète Krypton, et c'est donc cette dernière qui va entraîner sa propre perte. On comprend ici qu'une société (aussi intelligente et avancée soit-elle) doit faire place à l'évolution, quitte à disparaître.
Mais la surcharge d'effets spéciaux nous fait presque oublier tout ce que nous avons retenu de positif jusque là. La dernière heure n'en finit plus, les buildings explosent et Superman va plus vite que le vent, de sorte que l'on ne sait plus ce qui se passe à l'écran lors des scènes de combat (à la limite du bordélique). Finalement, on se rend compte le réalisateur n'a pas tant de choses à dire que cela, car contrairement aux épisodes du Dark Knight qui font la même durée, Man of Steel finit par nous blaser et devenir un beau gâchis, à force de bande-son trop poussée (désolé Monsieur Zimmer) et de déluges numériques inondant l'écran.
On espérait de tout cœur qu'un nouveau héros soit né, et nous avions toutes les raisons de le penser (casting, réalisateur, scénariste, producteur, compositeur). Mais nous sortons malheureusement déçus de ne pas voir une légende naître sous nos yeux.