Annoncé en grandes pompes depuis près de deux ans, l’Homme de Fer selon Zack Snyder prend enfin son envol dans les salles obscures. Et si cette nouvelle aventure cinématographique du dernier fils de Krypton est la plus probante qu’il nous ait été donné de voir depuis le film matriciel, elle devrait en diviser plus d’un. Avis donc aux aficionados qui espéraient y voir un succédané du Donner (qui a dit du Singer ?!) : la version de Snyder se situe aux antipodes mêmes de celle-ci. Dans son ensemble, Man of Steel fait preuve du même lyrisme que celui évoqué dans les trailers… en toutefois un poil plus light. Ainsi, les trop furtives séquences revenant sur l’enfance de Clark Kent, gagnent surtout en émotion grâce à la présence d’un Kevin Costner magnétique (on le jurerait né pour incarner Jonathan Kent) mais bien trop sous exploité. Cependant, toute l’émotion induite par ces parenthèses doucement bucoliques se voit partiellement annihilé par la narration éclatée façon Batman Begins.

Et pourtant, c’est dans ces mouvements de balancier constant entre l’histoire kryptonienne et terrienne de Superman que se trouve le cœur du film, comme si les deux étaient indissociables. Car en substance, Man of Steel n’est pas tant le récit de Superman que celui de Kal-El, orphelin apatride se cherchant une raison d’être dans son monde d’adoption. Il sera d’ailleurs amusant de remarquer que la première apparition de Kal-El en Superman est traité de la manière la moins anti spectaculaire qui soit et sans aucune emphase. C’est peut être le vrai gros reproche que les fans pourront faire au film : sa propension à se parer de tout véritable souffle épique dans sa première partie.




Passée une incroyable séquence d’ouverture fleurant bon la fantasy SF, le reste du métrage se fait plus intimiste, davantage porté sur le spleen de son personnage titre que sur ses faits d’armes super héroïque. Et c’est là que Man of Steel devient intéressant puisqu’il fait de ces questionnements une partie intégrante du cheminement personnel de son héros. De quoi faciliter plus que jamais l’empathie pour ce dernier même si elle n’occulte pas une certaine dimension christique, exacerbée dans sa dernière partie. Dans le rôle titre, Henry Cavill se révèle excellent. Digne successeur de Christopher Reeves avec qui il entretient une certaine ressemblance (si bien qu’on croirait voir leurs deux visages se confondre au cours d’un plan magnifique), il incarne à la perfection les multiples facettes d’un personnage plus complexe qu’il n’en a l’air, tandis qu’Amy Adams ne convainc pas totalement en Lois Lane. C’est du coté des personnages secondaires qu’il faut aller chercher qu’il s’agisse de Diane Lane (émouvante Martha Kent) ou encore Laurence Fishburne, premier Perry White noir de l’histoire de la saga. Face à eux saluons la performance d’un Michael Shannon très bon en général Zod qui nous offre un numéro très éloigné du cabotinage tant redouté.




Malin, le duo Goyer /Nolan démystifie l’Homme de Fer pour mieux l’incarner dans quelque chose de plus grand, noble que la figure du boy scout en cape de laquelle on a peu à peu tenter de l’extirper, souvent en vain. D’autant que l’approche adoptée ici s’avère couillue car à des miles du film de super héros tant attendu ou redouté. Si prise dans son ensemble la trilogie Dark Knight s’inscrivait dans la grande tradition du film noir, Man of Steel se revendique pour sa part… de la SF. Un choix aussi original que logique tant David Goyer et Christopher Nolan semblent avoir pris le parti d’inscrire les héros DC dans des genres bien spécifiques afin de mieux les ancrer dans la réalité. Réalité ? Superman ? Oui vous avez bien lu. Non pas qu’ici l’Homme de Fer aura troqué le vol d’oiseau pour la marche à pied mais l’univers dans lequel il se situe reste éminemment tangible et peu enclin aux autres dérives fantasmatiques que celles imposées par son sujet. Un univers qui d’ailleurs serait le même que celui de Batman Begins et dans lequel devrait s’inscrire d’autres personnages de la galaxie DC. Preuve supplémentaire que Goyer et Nolan savent exactement ce qu’ils font. Reste qu’en matière de récit, les deux lascars ne sont pas exempts de défauts. Si la narration éclatée a ses bons et ses mauvais cotés, certains raccourcis scénaristiques font lourdement sentir l’absence des trente minutes laissées sur le banc de montage. Dommage car un peu plus de Kevin Costner et de Diane Lane (pour ne citer qu’eux) n’auraient pas été de trop.




Niveau réalisation, force est de reconnaître que la démesure de Snyder sied fort bien à son héros. Pas vraiment à l’aise quand il s’agit de capter les émotions, le réalisateur se lâche littéralement au cours d’une dernière partie renvoyant aux exercices de destruction massive des Avengers, force est toutefois de reconnaître qu’en la matière si le cinéaste tient la dragée haute à Whedon, il lui reste un minuscule effort à faire en matière de lisibilité. Mais ne boudons pas notre plaisir tant cet affrontement final et brutal remplit toutes nos attentes en la matière. On regrettera toutefois que le papa de 300 use et abuse des tics hérités à Battlestar Galactica (zooms dans l’image, vaisseau aux airs de Cylon…) allant même jusqu’à faire appel à deux acteurs de la série pour de brèves apparitions. On retiendra au final un film bicéphale qui perd parfois en émotion ce qu’il gagne en efficacité pyrotechnique. Moins porté sur la démonstration (narrative, technique) et plus sur les sentiments, Man of Steel aurait pu être un très grand film, il faudra se « contenter » ici d’un excellent métrage à la croisée des genres et revisitant avec singularité l’histoire du kryptonien. C’est déjà pas mal et tellement plus que ce que beaucoup aurait fait.
IlanFerry
7
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le 18 juin 2013

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IlanFerry

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