Critique : Man of Steel (par Cineshow.fr)

Jusqu’à la fin, Warner aura gardé son Man Of Steel dans les cartons. Projection presse tardive, rumeurs d’une projection à Cannes, la nouvelle vie du plus ancien super-héros s’est pour le moins faite attendre. La dernière apparition de l’homme d’acier à la cape rouge datait de 2006, à cette époque, Bryan Singer était aux commandes et signait un film mou du bulbe et désincarné, une aventure de trop pour Superman qui avait connu la gloire avec les films de Richard Donner à la fin des années 70. Depuis, The Dark Knight est passé par là et les héros sont devenus plus torturés et les films davantage inscrits dans la réalité (toute proportion gardée). Chris Nolan venant de terminer sa trilogie, le timing était donc propice à la ressortie de Superman, sept ans après son retour manqué, dans un écrin cette fois beaucoup plus sombre et forcément, beaucoup plus spectaculaire. Une combinaison que Warner décida de confier à Zack Snyder (300, Watchmen, Sucker Punch) sous la supervision du réalisateur du chevalier noir, une alliance paradoxale mais que chacun espérait gagnante. Si Nolan permettait en théorie à Snyder d’apporter de la profondeur et un réel souffle épique à l’histoire, et si Snyder décomplexait Nolan dans ses envolées spectaculaires, la recette aurait été sans nul doute inédite et magistrale. Restait à transformer la bonne idée en réelle claque et comme à chaque fois, c’est toujours une autre affaire.

Le parti pris de l’équipe derrière Man of Steel (d’ailleurs quasiment la même que celle de la trilogie Batman à l’exception de Jonathan Nolan) est relativement simple. Faire table rase du passé pour ré-écrire l’histoire, et s’affranchir d’un passé encombrant. Bien entendu, les pivots imaginés par Jerry Siegel et Joe Shuster, les pères fondateurs du héros, restent bien là mais se voient totalement appropriés par David S. Goyer et son scénario. En soit, ce n’est pas vraiment problématique car cela permet d’apporter davantage de vigueur à l’histoire qui souffrait dans les derniers long-métrages d’un côté quelque peu daté qui ne collait plus avec les attentes et le monde d’aujourd’hui. Mais c’est vraiment dans la manière que Man of Steel rate son sujet, tant sur le fond que sur la forme. La construction du long-métrage est d’ailleurs le meilleur témoin du problème évoqué, celui-ci étant coupé littéralement en deux parties distinctes, la première servant d’introduction au personnage, à sa genèse, à son parcours initiatique, et la seconde servant surtout à assurer le spectacle à coup de millions de dollars engloutis, exactement là ou Singer avait échoué. Après une introduction des plus convaincantes sur une planète Krypton en pleine destruction introduisant notamment le père, Jol-El campé par un Russel Crowe très convaincant, et le général Zod (Michael Shannon), la menace du film, le film de Snyder va suivre Clark Kent en pleine introspection et voyageant de par le monde pour trouver LA réponse : d’où vient-il et pourquoi est-il sur terre ? Une quête entrecoupée (trop) régulièrement de flash-back permettant de mettre la lumière sur l’enfant puis l’adolescent en marge de la société éduqué par un fermier (Kevin Costner) ayant bien compris l’incompatibilité des pouvoirs du garçon avec le monde l’entourant. Cette construction en flash-back a le mérite d’innover, mais à trop vouloir appuyer des évidences, elle finit par desservir un propos pourtant compris depuis un bout de temps. Non Clark Kent n’est pas comme les autres, non il ne peut pas se rebeller sous peine d’extérioriser sa force et devenir une attraction de foire. Alors pourquoi avoir besoin de le matraquer comme si nous étions des demeurés ? D’autant que ces cassures de rythme ne semblent pas toujours arriver à point nommé et surtout pas dans leur intégralité, à telle point que l’ablation d’une bonne demi-heure film se faire cruellement sentir.

Pourtant, la découverte du passé du héros est sans conteste la partie la plus intéressante du film, celle servant de teaser à la suite. Et si Clark Kent n’est pas le personnage le plus expressif, la prestation de Henry Cavill se révèle réellement convaincante. Raillé pour ses performances passées, l’acteur de 30 ans semble avoir enfin trouvé chaussure à sa taille et surtout une direction d’acteur adéquate lui permettant d’incarner le mal-être du personnage avec un réalisme salvateur. Le charisme de Cavill est d’ailleurs le seul point auquel se rattacher de la seconde partie, celle placée sous le signe du pouvoir du costume bleu et de la destruction massive. Car une fois habillé de sa tenue de combat, Clark Kent va devoir affronter Zod et son armée bien décidée à rapporter son cadavre. Man of Steel bascule alors dans sa partie blockbuster, enchaînant pendant plus d’une heure un spectacle numérique étourdissant mais dépourvu de la moindre âme. Le personnage de Superman étant quasiment invincible, il est bien impossible de frémir ou même de générer la moindre empathie. On assiste sans grand intérêt à cette destruction de la moitié du nouveau Mexique (c’est moins cher de tourner là-bas) et surtout de la moitié de Métropolis. Les buildings explosent les avions aussi, sans doute quelques millions d’individus sont tués mais cela ne semble pas affecter Superman pour qui la protection de la terre est pourtant l’essentiel. A trop vouloir en mettre plein la vue, Man of Steel s’engouffre dans une surenchère d’incohérences perdant peu à peu les spectateurs ne pouvant trouver de satisfaction que dans le grand-huit auquel Snyder nous invite, non sans talent d’ailleurs. Personnages totalement sacrifiés (Loïs Lane est sans doute le plus gros ratage du film) au profit d’une action primaire et de moments de bravoures forcés et illogiques (pourquoi Clark Kent tente-t-il de sauver une famille des griffes de Zod alors que deux minutes plus tôt il le lança dans 4 immeubles provoquant au moins 10 000 morts ?), cette conclusion livre certes un spectacle impressionnant mais absolument glacial. Si Snyder tente par moment de copier la mise en scène d’un certains James Cameron dans ses meilleures séquences d’action, le réalisateur qui avait pourtant fait de très belles choses sur 300 et Watchmen semble perdre le fil, et n’arrive jamais à toucher la corde sensible sincère, pourtant essentielle à la réussite d’un tel film. Les bastons s’enchaînent dans un fracas assourdissant tout en s’autorisant quelques incrustations fond vert dégueulasses et indignes d’une telle production.

Pourtant, dans la réflexion de fond, Man of Steel avait de bonnes choses à faire valoir. D’un questionnement sur la notion de déterminisme à travers le général Zod, contraint génétiquement à sauver le peuple de Krypton peu importe le prix à payer, à la question de l’évolution et du Darwinisme entrant en opposition directe avec la symbolique religieuse très présente à travers les images, le film de Snyder avait matière à livrer un spectacle un peu plus intelligent que celui proposé en l’état. Pas vraiment abouti, jonglant entre deux styles radicalement opposés entre la première et la seconde partie, réellement truffé d’incohérences et surtout sans la moindre âme et humanité, Man of Steel est la renaissance ratée d’un Superman qui peine décidément à revenir sur grand écran avec l’écrin qui lui convient. Produit standardisé pompant la recette à priori miracle de The Dark Knight, le film de Snyder n’a décidément pas grand-chose en commun avec les films du chevalier noir, ni dans la forme ni dans le fond. Un soucis qui se traduit jusque sans la partition d’un Hans Zimmer en manque de créativité, tentant de nous refourguer un ersatz de ses scores passés plus militaires que jamais, et arrivant même à atténuer la puissance visuelle de certaines scènes, un comble…
mcrucq
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le 23 juin 2013

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Mathieu  CRUCQ

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