Man of Steel with Clay Feet Rises and Falls

Contrairement aux comics Marvel, les personnages de DC, bien plus anciens, n'ont pas vraiment de "canon" fixe et précis. Le personnage de Superman tel qu'on le connaît aujourd'hui, par exemple, est le résultat d'une évolution lente de près de 50 ans, à travers ses différentes apparitions dans divers média : comics, courts-métrages d'animation, séries télévisées, cinéma... Contrairement à Spider-Man par exemple qui est un personnage avec une histoire plus ou moins fixe (même si c'est de moins en moins vrai aujourd'hui après l'essor de la franchise grâce à / à cause de Sam Raimi...) Superman et ses acolytes de la JLA sont davantage un mythe olympien, une légende, dont il apparaît plus naturel de "moderniser" régulièrement les détails et les contours.

En ce sens, Man of Steel, projet de reboot dramatique, semblait une étape nécessaire dans l'existence de la franchise, et la direction latéralement opposée à Superman Returns, la séquelle-hommage tardive de Bryan Singer au monument de Richard Donner, un choix plutôt naturel. A l'arrivée, un film sans aucun doute très ambitieux et sûr de lui mais qui, comme beaucoup de colosses, s'effondre sous le poids de son orgueil.

Man of Steel est plein de qualités. Vraiment.

Tout ce qui porte sur la réinvention du personnage et de son mythe m'a paru de bon aloi. Insister un peu plus sur le côté "alien" et étrange de Krypton, développer sa civilisation, son Histoire, ses codes et coutumes, quitte à violer un peu la vision très Peace and Love de Donner, m'a semblé être un pari risqué mais finalement réussi. La nature des pouvoirs de Kal-El, la technologie kryptonienne etc... gagnent en sens et en profondeur, en "réalisme", ce Graal du cinéma actuel. Après tout, c'est produit par Nolan. En tout cas, l'ensemble est modernisé de belle manière, sans jamais vraiment trahir le média d'origine, à l'image de ce costume très alien qui malgré son côté "brillant" qui m'insupporte me paraît remplir à peu près sa fonction -- même si je vois déjà les gens crier à la trahison.

Toujours dans cette quête de réalisme, le métrage est ponctué d'inserts très naturalistes qui donnent aux décors une sensation très forte, presque tactile ; les gouttes de pluie qui claquent dans un seau qui déborde, le linge qui sèche sur une corde et dans au gré du vent, la flore, la faune, partout -- des ours, des chiens, des oiseaux, des insectes -- toute la beauté de notre Terre est bien mise en évidence, comme pour souligner l'amour que porte le personnage à sa planète d'adoption. C'est un procédé facile, presque trop, mais qui finalement fonctionne très bien et colore agréablement l'ensemble.

Mais puisqu'on a pas embauché Snyder pour son amour des papillons qui batifolent, il est temps de parler du fond du film, de son sens, et de ses coups de poing. Clark Kent ne se bat plus pour l'American Way, pour le "Bien", il n'a plus ce sens profond du sacrifice qui en faisait au moins un scout, au plus un messie catholique dans les films de Donner et de Singer. Il est définitivement et uniquement un alien, un ermite solitaire et exclu qui doit cacher sa vraie nature à tout prix. Quand le père Kent lui enseignait la bonté et le sens du sacrifice dans les années 70, aujourd'hui son seul message est : "Cache ta vraie nature, ils ne sont pas prêts -- même si tu dois laisser un bus scolaire plein d'enfants couler au fond d'un lac." Je comprends bien que Kal-El / Clark Kent soit le fils de deux mondes et de deux philosophies, seulement ici ces deux univers ne sont pas tellement contradictoires et ne semblent plus s'opposer.
Occasion un peu manquée, de la même manière, peut-être, que la relation Lois et Clark qui est très, très différente de toutes les précédentes occurrences. Moi, ça ne me dérange pas plus que ça, à ceci près que la casquette "reporter" de Lois Lane jouera un rôle au début du film et ne servira plus par la suite. Les apparitions de Perry White et du Daily Planet, en dehors de la présentation de Lane, ne servent à rien en plus de tourner au ridicule vers la fin du film.

Tout ceci aurait tout de même pu mériter une septième étoile, si le dernier tiers du métrage n'était aussi barbare, incohérent, ridicule et gratuit. Une torture qui m'a paru durer trois bons quarts d'heure durant lesquels, après l'agréable surprise de la découverte des combats titanesques entre Kryptoniens, Snyder se laisse totalement aller à une vague de destruction lamentablement massive, une destruction niveau "fin du monde" qui, certes, sert le spectacle, mais annule tous les efforts de réalisme du début. Pour la première fois de ma vie, alors que je reprochais aux films Marvel le trop peu d'action (sauf dans Avengers bien sûr), j'en suis venu à en avoir RAS LE BOL de vois des immeubles s'effondrer. Il y en a TELLEMENT que ça en est ridicule, que ça devient banal, et ça n'a plus AUCUN impact.

Au final, Man of Steel est un colosse qui se vautre comme une merde à trop avoir donné des kicks de ses pieds d'argile. C'est comme si Snyder avait enfin trouvé la manière de faire un bon film et était parti en vrille à la fin... Euh, non, c'est exactement ça.
Et c'est bien, bien, bien dommage.

Agréable, mais oubliable.
CardinalNoir
5
Écrit par

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Créée

le 21 juin 2013

Modifiée

le 21 juin 2013

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