It's a bird ! No, it's a plane ! It's a man! No it's an alien !

/!\ Légers spoils

À chacun sa sensibilité de spectateur.
En faisant le tour des impressions causées par Man of Steel, j'ai pu voir que beaucoup ont directement vu dans le film des références bibliques et un rapport à la religion chrétienne bien trop mis en avant. Certains ont été touchés par les vibres de patriotisme américain, alors que d'autres ont bloqué toute possibilité d'immersion par refus des prémisses du film.
Personnellement, je remarque que ma sensibilité de spectateur semble avoir été touchée par des éléments qui paraissent être passés complètement à coté de certains critiques, tout comme les éléments christiques semblent m'être passés complètement à coté. Il est fort possible qu'après une année en fac de philosophie à étudier "Qu'est ce que l'Homme", mes cours aient modulé mon visionnage du film. De cette manière, je n'ai pu éviter voir un rapport conflictuel régissant l'intégralité du long métrage, ainsi que résumant tous les tiraillements par lesquels passe son héros. Pour moi, il a donc été évident que Man of Steel traite de la relation conflictuelle entre Nature et Culture et réponds à la question : Quelle de ces deux influences nous régis ?
Je vais ainsi tenter de m'appliquer à la tâche de faire une analyse de ce qui, pour moi, est probablement le plus grand blockbuster de cette année, afin de voir ce qu'il cherche vraiment à nous raconter sous sa couche d'action et d'effets spéciaux.

Parmi les bonnes critiques que l'on peut trouver, on peut y lire que le long métrage, avant de se s'imposer comme film d'action ou de super-héros, est avant tout un film de science fiction traitant d'un alien cherchant sa place sur Terre. La facette dramatique prédominante est constituée du décalage entre cet extraterrestre venu de Krypton et le reste de l'humanité, mais aussi de la réaction que peut avoir la population terrienne en prenant conscience son existence, une peur qu'incarne le personnage de Jonathan Kent.
Je me suis donc surpris à retrouver un Kal-El incertain, effrayé, qui ne sait quel rôle assumer ni ce que l'humanité attends de lui. Ce Kal-El est pour moi incontestablement présent, mais caché sous la plastique parfaite de Henry Cavill et son regard constamment confiant. J'ai ainsi remarqué à certains moments que l'acteur avait la possibilité de feindre la détresse, mais choisissait de garder l'illusion d'un Superman impénétrable. Et voila où se situe tout le twist du film : briser l'image d'un Superman invincible. Cette assurance n'est là que pour cacher ses peurs et ses remords, car ce que l'on retrouve dans le film de Snyder, c'est un Superman humain.
Au delà des séquences flashback où l'on voit un gamin pleurnicher, nous nous trouvons face à un Superman dans sa maturité qui doute, un super héros qui peut s'avérer faible, comme nous le montre le film à travers différents moyens : son attachement à sa mère, très présent, émouvant et humain peut être perçu comme une faiblesse ; les insinuations de son ennemi, Zod, placent le héros dans une situation moralement éprouvante car après tout les intentions du vilain restent honorables ; Faora, la sbire de Zod, nous dit explicitement que Superman est peu sur de lui même, ce qui peut être pris comme une simple provocation ou comme quelque chose de plus profond.
Kal-El porte ainsi sur ses épaules le conflit kryptonien incarné dans la confrontation entre Jor et Zod. Un parti cherchant à imposer la suprémacie du peuple de Krypton sur les terriens, en se servant d'arguments évolutionnistes, l'autre parti voulant instaurer une cohabitation pacifique en s'appuyant sur l'intégrité morale. Concrétisant l'intention de briser l'invincibilité du personnage, on peut se surprendre à trouver un Superman qui finit par échouer, ce que le film insinue plus subtilement. Alors que certains verront la fin du film comme une victoire, elle est clairement pour moi un échec, cristallisé dans le cri de désespoir final du héros. Un cri justifié par les actions immédiates certes, mais surtout parce qu'en choisissant le peuple terrien, le héros condamne le peuple de Krypton à la perdition, allant même se placer comme son destructeur. La terre est donc sauvée, mais Superman perds la partie en décevant les attentes du général Zod mais surtout de son père.

A travers cette relecture tragique du film, le conflit qui y palpite et qui le structure est plus clairement visible. Lorsque Superman anéantit toute possibilité pour Krypton de renaître, il refuse de se placer parmi son peuple naturel. Le protagoniste se trouve nettement tiraillé entre Krypton et la Terre, entre ses deux familles, entre ses deux identités, c'est là ou reposent tous les enjeux émotionnels du long métrage. Ainsi, Superman est fondamentalement un homme de Krypton, un alien ; il a pour preuve de cela son organisme, le corps duquel il ne peut se détacher qui lui confère des habilités surhumaines. Il appartient de cette façon à Krypton, sa terre natale, ses liens de sang, un rapport qu'il cherchera à approfondir en partant à la recherche de réponses et de ses parents biologiques. Il est ainsi primordial de retenir qu'il se rattache à Krypton par Nature.
Mais tout ce qui fait le sel de Superman, ce qui le rend un Kryptonien hors du commun, ce qui enclenche son mythe et nous donne le film, est le fait qu'il est dès sa naissance envoyé sur Terre. Toute son éducation, son apprentissage, les valeurs qui le régissent, les personnes avec qui il a pu former des rapports, sont terrestres. Ainsi l'histoire des origines de Superman est clairement concise dans les deux phrases résumées : "Le Kryptonien éduqué sur Terre" ou "Le Terrien venant de Krypton". Il se définit ainsi comme Terrien par tout ce qui a été inculqué dans son esprit, par tout ce qui est post-naissance. Il est ici primordial de retenir qu'il se rattache à la Terre par Culture.
Dans cette optique, que nous raconte alors Man of Steel ? Il paraît ainsi clair que le film de Snyder raconte la façon dont un être est tiraillé entre sa Nature et sa Culture, mais au fur et à mesure des événements qui s'imposent à lui, il finit par se défaire des liens qui l'unissent à la Nature, Krypton. De cette manière, Kal-El refuse non seulement la société kryptonienne, mais toute sa culture et tout ce qu'elle représente, soit la définition d'un individu par la Nature. Il nous sera ainsi expliqué dans le film que le fonctionnement de Krypton se rapproche de celui d'une société platonicienne, référence accentuée lorsque l'on voit que le jeune Clark lit Platon : une société déterministe où chacun, avant même de naître, est attribué un rôle par un ordre supérieur, le codex, en accord avec sa nature.
De cette façon, lorsque Superman choisit la Terre et détruit Krypton, il s'agit en effet de l'équipe du film (Snyder ? Goyer ? Nolan ?) qui pose sa vision dictant que le rapport à la Culture est plus fort que le rapport à la Nature. La psychologie, le caractère du héros et donc les choix qu'il fera sont guidés par sa Culture, humaine, qui l'amènera à détruire les liens qui lui restent avec sa Nature. Superman est de cette manière avant tout humain. On retrouve, en accord avec cette vision, la thématique du libre-arbitre dans le film : le refus d'être déterminé, le pouvoir de la volonté porté par l'espoir, soit être ce que l'on veut être. Nous pouvons retrouver une explicitation de ceci dans les dialogues de Jor-El mis en avant dans les trailers : ne pas être déterminé par la Nature, qui dans le film est imposée par la société. Ainsi, le soucis de la position culturelle que met en avant le film, est que si nous sommes vraiment définis par la Culture, il est probable que nous arrivions au stade où deux cultures conflictuelles cherchent à se détruire dans une quête de suprématie. D'où l'importance de l'échec final du héros : il fait bien le choix de se rattacher à sa culture, mais doit pour cela décevoir les attentes de son père, le terrain commun est improbable voir impossible. Se définir donc par la culture et être dans l'impossibilité de partager ?

Voici donc ce que j'ai pu analyser dans Man of Steel, au fil de deux séances (jouissances?) cinématographiques, film que je trouve un brin plus complexe que ce que je vois qu'on lui attribue. J'attends avec hâte la suite, qui à tout l'air de suivre le schéma que Nolan a imposé avec sa trilogie Dark Knight : réserver l'ennemi juré pour le deuxième opus, qui se définit comme l'apogée mais aussi comme un challenge plus réflexif, car le héros se voit confronté à un ennemi plus cérébral. Lex Luthor, je t'attends.
Vagabond
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le 4 juil. 2013

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