Mommie Dearest est un portrait de l’actrice Joan Crawford montré à travers les yeux et les souvenirs de sa fille adoptée, Christina Crawford.
Ici on est loin du biopic exhaustif classique, documenté et cherchant à compter la vie d’une femme de la façon la plus exacte qui soit, ce qui est évidemment impossible. La Joan Crawford, filmée par Perry et jouée admirablement par Faye Dunaway, est la retranscription d’une seule vision subjective, celle de sa fille. A travers ce prisme déformant s’érige un portrait, d’une violence, d’une cruauté et d’une amertume incroyable. Celui d’une femme, d’une mère, montrée comme folle, excessive, agressive, autoritaire,….
Toute la beauté et l’intelligence du film réside dans la mise en scène de Frank Perry. Celle-ci adopte une densité et une originalité étonnante. En effet Mommie Dearest est une vision du hors champ d’Hollywood, celui du quotidien, du non visible, du off, loin du glamour et des caméras. Mais ce quotidien est lui-aussi filmé comme un mélo hollywoodien, mais un mélo hollywoodien totalement biaisé, déconstruit, gangrené. Ainsi le cadre du film est loin d’être classique, d’une part car il contient toutes ces contradictions, créant un malaise permanent. On ne sait plus vraiment où l’on est, ni ce que l’on regarde. La photographie recherche le technicolor de l’époque, le grain des mélos 40-50’s, mais l’image a absorbé la vulgarité télévisuelle et le kitsch du soap-opéra. Tout y est exagéré, déformé, faussé, du jeu d’acteur aux perruques en passant par les costumes. C’est un mélo, mais un mélo boursouflé, qui avance sur un fil et pourrait à tout moment tomber soit du côté du film d’horreur soit de la farce. L’actrice apparaît d’ailleurs à plusieurs moments dans le plan comme un zombie, un monstre effrayant, comme lors de cette scène incroyable de cruauté où, avec ses cheveux en bataille, son masque de crème et ses cris hystériques, elle met à sac la chambre de ses enfants et humilie sa fille pour une histoire de cintres.
D’autre part le cadre paraît avoir absorbé magnifiquement toutes les émotions de Christina, haine, peur, amour, regrets, tristesse, multipliant les filtres que sont ses souvenirs de souffrance, d’humiliations, d’incompréhension. Tous ces éléments participent à la richesse du film, qui ne se limite pas à son geste vengeur, coup de point, comme semble l’indiquer la cinglante dernière réplique du film. Derrière l’outrance et la violence des images et du propos, Aldrich n’aurait pas renié un tel film, qui pourrait d’ailleurs se voir comme une relecture de Baby Jane, ou de Mildred Pierce, Perry construit un portrait complexe, fascinant et vénéneux d’une femme, d’une mère, d’une actrice.
Teklow13
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le 13 nov. 2014

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