Malcolm & Marie
6.7
Malcolm & Marie

Film de Sam Levinson (2021)

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Sam Levinson (Euphoria) déconfine les sentiments d’un couple dont les humeurs et états d’âme pavent ce huis-clos en noir et blanc. Une explosion a lieu, certes elle est feutrée, pas universelle, mais le moment de cinéma est réussi au point d’inscrire le film au-delà de la simple sortie streaming hebdomadaire.


S’il fallait lancer un résumé, Malcolm (John David Washington) et Marie (Zendaya) reviennent de la première du film dont lui, est le réalisateur et elle, l’inspiration. Et puis s’en suivent de longs discours, monologues, silences oscillant entre critique des critiques, le rejet de la part politique du cinéma, une petite fixette sur les legos et une approche de l’amour sous la forme d'une esperluette (le « & » du titre qui ajoute Malcolm à Marie) plutôt qu’un « amour-fusion » comme le « Rules » de Euphoria.


La teneur de certains dialogues envers les « critiques » américaines d’aujourd’hui est assez assassine. Ces gens-là seraient obnubilés par la couleur de peau au point de tarabiscoter des interprétations et des appréciations du septième art qu’ils élaboreraient artificiellement dans des sortes de Frankensteins de rédaction politisés à mettre à portée de cliques. Tout cela à travers une interprétation « too much » de John David Washington qui a un double effet bien malin : feinter une ironie à la main lourde tout en servant de véritable porte-voix à Sam Levinson. Mais le procédé n’aura pas nécessairement permis à tous ces commentateurs de l’art d’avaler avec facilité les couleuvres ici déversées à même le fond de la gorge, le succès critique aux Etats-Unis est en effet bien mitigé.


Filmé sur de la pellicule 35mm, en noir et blanc, au coeur d’une maison d’architecte, avec des plans variés et une ambiance en temps réel, tout cela porte à préjuger à un exercice de style racé et glacé. Si le film est exactement cela dans une certaine mesure, les interprétations de Zendaya et John David Washington portent des variations sentimentales et des sautes d’humeur énergiques qui réussissent à déjouer très vite l’attention des seules images.


Le couple se travaille et se relance, d’un rebondissement émotionnel à l’autre,


pour concrétiser non pas le délitement d'un amour mais sa cristallisation vers de nouveaux horizons. L'un des deux sort évidemment vainqueur du pacte délivré (mais lequel ?),


après une bataille rangée qui aura dégainé les lignes de dialogues d'un script imbibé par la créativité hyperactive mais maîtrisée de Levinson. Un tour de force sans force et sans détour qui se pare de peu d'accessoires pour proposer du cinéma. Un peu comme le fait The Sunset Limited, adapté de la pièce de théâtre de Cormac McCarthy, où Tommy Lee Jones et Samuel L. Jackson discutaient non pas de l'amour mais de l'existence dans les grandes largeurs.


En définitive Malcolm&Marie aligne les allusions au cinéma, une industrie économique qui se politise à l'occasion passant souvent la pure volonté artistique sous le tapis. Et c'est précisément pourquoi Euphoria est si intéressante, car elle rejette l'instrumentalisation politique de personnages qui pourraient porter tant de revendications hors-écran. Levinson, qui le montre à nouveau dans Malcolm&Marie, ne fait pas des réceptacles à discours. Il crée simplement des personnages intéressants dans des histoires intéressantes au travers de dialogues qui se parent d'un "réalisme" tout hollywoodien. Ici ces personnages délivrent leur histoire dans une intimité amoureuse très inspirante. Le cocktail est alors enivrant, entêtant et désarmant au point qu'il laisse un peu les mains en l'air sur son clavier le quidam vagabond qui s'était glissé derrière en espérant jouer au pseudo-critique de cinéma comme on jouerait aux legos.

-Thomas-
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le 5 févr. 2021

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Vagabond

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