"Maigret et la jeune morte" enfin au cinéma

C'est le vrai titre du roman de Georges Simenon dont s'inspire Patrice Leconte. Ne suivant que d'un œil (trop) distrait l'actualité cinématographique, je n'ai pas su qu'un tel film était sorti. Mais le trouvant par hasard en DVD, mon sang n'a fait qu'un tour …

Pourquoi ?

D'abord, c'est une des meilleures enquêtes de Maigret avec "le chien jaune", "Cécile est morte", "la tête d'un homme" etc … Enfin, "une des meilleures" reste un avis complètement personnel et subjectif. C'est une enquête où le commissaire s'implique personnellement au-delà du point de vue professionnel et où il marque une empathie sincère qui confine à la révolte (silencieuse) contre ce genre humain capable de saloper des êtres simples et à la solidarité pour ces mêmes victimes.

Ensuite, l'idée que Depardieu endosse le costume du commissaire me semblait une superbe idée. J'aime beaucoup le jeu de Depardieu qui a toujours montré sa grande capacité à s'adapter à n'importe quelle situation. C'était un rôle qui manquait à sa carrière et j'étais content de le voir évoluer dans ce rôle.

Alors, le personnage de Maigret que j'ai vu à toutes les sauces, remarquable chez Harry Baur, Jean Gabin et Bruno Cremer, moyen avec Jean Richard, mauvais avec Abel Tarride et Albert Préjean, est devenu un personnage iconique dont on connait tout.

Autant dire qu'au-delà de l'enquête elle-même, les yeux (du spectateur - mon épouse et moi) scrutent, jaugent, sentent, reconnaissent ou s'estiment trahis, apprécient ou réfutent. Il y va de "l'honneur" du personnage.

Pour ma part, j'ai trouvé qu'il y avait bien du Maigret chez Depardieu et j'en suis ravi.

On a bien affaire à un personnage massif, grognon, taiseux, têtu. Fatigué et en santé délicate, il ne peut plus fumer sa légendaire pipe. Mais il ne peut s'empêcher de prendre la pipe de son adjoint, énervé par son manque de savoir-faire ! Il ne boit pas de demi mais comme il l'explique, "l'enquête, je l'ai commencée au blanc, je la finirai au blanc".

Sur le plan intime, on devine la blessure secrète liée à la mort de leur propre fille à Mme Maigret et lui-même. Il lâche entre les dents "elle aurait eu 20 ans comme elle" donnant une des clés de cet étrange attachement à la jeune fille morte.

Pour ce qui concerne le reste du casting, j'ai bien aimé trouver Aurore Clément dans un petit rôle. Là encore, j'aime aussi beaucoup le jeu de cette actrice que j'avais découvert dans un rôle déchirant dans "Lacombe Lucien" dans les années 70, avant de la revoir avec grand plaisir dans "le crabe tambour", "Paris-Texas" et tant d'autres films. Et là, comme toujours, après une petite cinquantaine d'années, je la trouve encore parfaite dans la peau de son rôle (un peu court mais c'est égal, un petit plaisir ne se refuse jamais).

Pas grand-chose à dire de la réalisation sobre mais efficace de Patrice Leconte qui traduit bien l'atmosphère oppressante de l'enquête. Au passage, son film "Monsieur Hire" était aussi une belle réussite.

En définitive, le seul reproche que je pourrais faire au film c'est que le scénariste a éprouvé le besoin de modifier l'histoire qui, chez Simenon, était beaucoup plus crapuleuse. C'est peut-être dommage car cela aurait été l'occasion de faire apparaître des personnages plus hauts en couleurs. Mais cela ne change rien au fond de l'histoire et de l'attachement viscéral que Maigret éprouve pour la jeune fille.