Critiquer un film, en rendre compte du moins, est un jeu d'équilibriste. Si le ressenti est totalement subjectif, on cherche toujours à rendre sa transcription objective. Dans la forme en tout cas. Pas de "je" ici, mais un "on" passe partout, ou bien un "nous" faussement fédérateur, englobant avec ambition [ou naïveté] lecteur et rédacteur dans un même debrief.

Évoquer Magic magic bouscule ces évidences. S'il l'on veut, comme toujours, donner au subjectif une apparence objective, on ne s'en sortira pas. Car, objectivement, Magic magic est un bon film. Habilement construit, riche d'une mise en scène souple mais sophistiquée, porté par d'excellents comédiens, le film de Sebastian Silva a tout pour plaire. Il distille dès les premières images une ambiance mystérieuse illustrant le(s) trouble(s) qui habite(nt) Alicia, et avance crescendo vers un final déroutant. C'est un film singulier qui ne laisse pas indifférent.

Voilà pour la version objective. C'est différent côté ressenti. Magic magic fait partie de cette catégorie de films tellement maîtrisés, tellement écrits, dans lesquels chaque raccord est pensé, chaque mot soupesé, qu'on peut très bien s'en sentir exclu. Toute cette histoire habilement agencée peut très bien ne pas toucher. La folie qui gagne Alicia, les peurs qui la tétanisent, ses délires nocturnes, tout ça peut nous sembler trop loin, trop fabriqué, pas assez charnel.

Et pourtant Juno Temple et Michael Cera sont exceptionnels, elle en fausse femme-enfant et vraie névrosée, lui en faux couillon et vrai trouillard [ou l'inverse], tous deux confirmant ici l'étendue et la maîtrise de leur talent. Le reste du casting, Emily Browning en tête, sans oublier le sexy Agustin Silva, est également très juste.

Et pourtant la mise en scène est belle, jouant sans cesse des troubles de la perception avec un cadre pas toujours net, ou décalé.

Et pourtant l'écriture est fine, le film ne nous conduisant pas là où l'on pensait aller. S'il finit par tourner en rond, il se redresse sur un dernier mouvement assez bluffant.

Et pourtant oui, on peut très bien ne jamais "être dedans".
pierreAfeu
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2013 • film par film

Créée

le 29 août 2013

Critique lue 341 fois

pierreAfeu

Écrit par

Critique lue 341 fois

D'autres avis sur Magic Magic

Magic Magic
Samuel_C_
8

Critique de Magic Magic par Samuel_C_

« Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs ». Cette petite ligne introductive du résumé proposé par un célèbre site de cinéma français...

le 24 août 2013

35 j'aime

3

Magic Magic
romainstu
7

Imparfait mais tellement fascinant

Planté dans les magnifiques paysages du Chili, filmés très élégamment par Sébastian Silva, Magic Magic nous dévoile une descente aux enfers vers la folie pure d'une héroïne étrange et solitaire dont...

le 30 août 2013

18 j'aime

4

Magic Magic
Augustin-Prophè
4

Oiseaux, boobs et magie mon cul

J'ai vraiment l'impression de m'être fait avoir avec ce film parce que la bande annonce vendait un thriller nerveux, angoissant et fantastique. Et bien non. On suit l'histoire d'un groupe d'ados qui...

le 2 sept. 2013

15 j'aime

3

Du même critique

Nocturama
pierreAfeu
4

The bling ring

La première partie est une chorégraphie muette, un ballet de croisements et de trajectoires, d'attentes, de placements. C'est brillant, habilement construit, presque abstrait. Puis les personnages se...

le 7 sept. 2016

51 j'aime

7

L'Inconnu du lac
pierreAfeu
9

Critique de L'Inconnu du lac par pierreAfeu

On mesure la richesse d'un film à sa manière de vivre en nous et d'y créer des résonances. D'apparence limpide, évident et simple comme la nature qui l'abrite, L'inconnu du lac se révèle beaucoup...

le 5 juin 2013

51 j'aime

16

La Crème de la crème
pierreAfeu
1

La gerbe de la gerbe

Le malaise est là dès les premières séquences. Et ce n'est pas parce que tous les personnages sont des connards. Ça, on le savait à l'avance. Des films sur des connards, on en a vus, des moyens, des...

le 14 avr. 2014

41 j'aime

21