Pedro Almodovar et son goût pour les couleurs vives excellent dans les portraits de femmes. À son meilleur, il est tout à fait capable d'atteindre le niveau des Cukor, Mizoguchi et Naruse. Madres paralelas n'est pas une exception à la règle.


Il donne deux beaux personnages féminins, ayant pour points communs d'être de nouvelles mères, l'une ayant réussi à gagner contre une ménopause approchante, l'autre beaucoup trop jeune, notamment en ce qui concerne les standards de la société, de partager une même chambre d’hôpital et... je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler, juste que le destin n'en fera pas une simple rencontre sans lendemain... Penélope Cruz (méritant le prix de la quadragénaire, proche quinqua, la plus séduisante qui soit !), une des grandes habituées du cinéaste, et sa partenaire, la petite nouvelle Milena Smit, brillent dans des rôles très riches tout en dégageant une belle alchimie. Là, le cinéaste ne déçoit pas.


L'intrigue autour de leur maternité et de leur amitié est bien construite, donne lieu à des situations fortes, complexes. Je ne peux pas en dire plus, car j'éventerais un peu trop l'histoire si je le faisais. Si le réalisateur s'était concentré entièrement sur cela, l'ensemble aurait été un bon cru almodovarien.


Mais dans le même temps, en voulant greffer absolument des références à ce qui devait être, au moment de la rédaction du scénario, des actualités bouillonnantes à un corps qui ne le demandait pas, qui se suffisait à lui-même, le tout s'encombre malheureusement. La recherche d'un passé tragique dans le présent d'une Espagne, ayant connu et commis les pires horreurs pendant sa guerre civile, aurait pu faire à lui tout seul le sujet d'un film, d'un autre film. Ici, c'est en trop. Cela ne colle pas avec ce qui arrive avec les protagonistes. Cela n'influence pas d'une manière significative leur vie et leurs relations. Bon, je suis sûr que plein de personnes se sont faits plaisir ou se feront plaisir en trouvant des similarités thématiques comme la descendance, les liens du sang, etc. Et ils auront certainement raison. Mais pour moi, ça n'avait pas sa place ici.


Vous me mettez par contre un long-métrage n'ayant rien à voir avec Madres paralelas, se focalisant exclusivement sur cette quête dérangeante, d'Almodovar avec Penelope Cruz, jouant une femme voulant déterrer la vérité sur le sort d'un de ses ancêtres, exécuté lors de cette période sanglante, et aider aussi d'autres familles dans la même situation, j'achète mon ticket de cinéma avec plaisir.


Ah oui, la révélation que la conception de l'enfant de la plus jeune des deux femmes soit la conséquence d'un viol collectif n'apporte rien non plus, que ce soit sur le plan de la psychologie ou sur celui des rebondissements. C'est juste encore ici pour aborder gratuitement un fait d'actualité qui devait (à très juste titre d'ailleurs !) échauffer au maximum les esprits lors de l'écriture du scénario, à savoir donc un viol collectif qui a été qualifié par un juge inique et patriarcal d'abus sexuel. Attention, je le précise, je n'aurais rien eu contre cet ajout si cela avait servi à quelque chose pour la suite.


Bref, à force de vouloir trop en raconter, à force de vouloir d'être dans l'actualité du moment, le metteur en scène transforme un potentiel sommet en une œuvre mineure dans sa filmographie.

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le 4 déc. 2021

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Plume231

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