On ne va pas y aller par quatre chemins, ce nouveau Mad Max était clairement le film que j’attendais le plus cette année depuis sa première bande-annonce. Saluons au passage une promotion juste parfaite, avec un bon nombre de trailers au montage créatif, donnant un juste aperçu de la folie et de la générosité du film, mais se gardant de trop en dévoiler. Même si une certaine méfiance était palpable à l’annonce du projet, qui se retrouve à sortir dans une année 2015 débordant d’exploitation plus ou moins heureuse de licences, il se démarquait par la présence de son réalisateur original, George Miller. Quand on commence comme lui à travailler sur un tel film en 1998 (juste après Babe 2), et qu’on doit traverser autant d’épreuves, d’annulation et de reports pendant une quinzaine d’années pour le mener à bien, on se doute que le film ne peut que transpirer la passion. Bien d’autres auraient abandonné à sa place, mais il a pris son mal en patience et s’est mis à l’animation au passage avec les deux Happy Feet.


Allez sur notre blog, y'a des images


Après tout de même trois films sur des animaux mignons tout plein, on sent qu’il avait envie d’en découdre le George, et autant dire que pour un réalisateur récemment septuagénaire, ce ne sont pas les idées ni l’envie qui lui manquent. Au lieu de brosser trop rapidement son univers et de balancer du dialogue explicatif à tout va, il reste fidèle à sa ligne des précédents Mad Max, surtout du deuxième opus, où le visuel est roi et les dialogues réduits au nécessaire. L’approche du personnage de Max reste similaire, un homme qui a tout perdu et qui erre dans le désert et se définit comme « poursuivi par les morts et les vivants ». Il est quasiment spectateur de son propre film, fuyant tout attachement, héros contre son gré, privilégiant toujours les décisions rationnelles donnant les meilleures chances de survie. On le retrouve toutefois plus mutique et bourru que par le passé, s’exprimant presque la moitié du temps pour des grommellements et des mimiques, comme s’il avait perdu l’habitude et l’envie de communiquer (il faut dire qu’il y a de quoi être méfiant dans son monde).


Ceci laisse naturellement plus de place au personnage de Furiosa, jouée par une Charlize Theron rageuse et habitée, fuyant le terrible Immortan Joe et les hommes de façon générale. George Miller n’a jamais lésiné sur les personnages secondaires dans les Mad Max, avec un talent rare pour les faire vivre en une poignée de plans, qu’ils aient l’occasion de s’exprimer ou non. La passion pour son univers dont je parlais plus haut s’exprime pour moi dans les détails qui rendent le tout crédible, comme le culte porté à Joe et au V8, les leaders des différentes cités et leurs manies, le design de leurs véhicules, leurs habits, leurs gestes, leurs rituels, tout est pensé. A son âge encore plus qu’il y a 35 ans, Miller se fout royalement des conventions, du bon goût et du politiquement correct, et nous livre les délires de son imagination débridée sans filtre ni restriction. La violence fait peut-être figure d’exception ici, même si le film nous montre tout un tas d’action bien brutales, il n’est jamais vraiment graphique, certaines scènes semblant même coupées à ce niveau. Peut-être y aura-t-il une version non censurée, en tout cas ça ne gêne pas une fois que l’on est dans le film.


Pour le reste par contre, aucune limite. Tout le monde attendait le film au tournant pour ses poursuites « à l’ancienne » et son utilisation très limités des CGI (il en faut quand même pour une séquence de folie comme la tempête, encore heureux), aucune déception là-dessus. Il n’y a pas de quoi passer pour un aigri à dire que « c’était mieux avant » pour une fois, puisque Miller le prouve de la plus brillante des façons. Il a pensé et réalisé son film comme les premiers Mad Max, utilisant au centime près son budget dans les décors, les véhicules, les cascades et les explosions, tirant au mieux partie des outils modernes du cinéma sans renier ses débuts de réalisateur indépendant en Australie. Au contraire, on a un peu l’impression de voir le film qu’il aurait pu faire à l’époque avec un énorme budget et pas de contraintes de la production (qui ont majoritairement ruiné le 3). Il fallait quand même oser faire un film se résumant à une course-poursuite de deux heures, ponctuée de pauses ne relâchant pas la pression, et le tout sans lasser. A part des films bien barrés comme les deux Crank, qui sont loin de faire autant l’unanimité, je n’en connais pas tellement d’autres qui puissent tenir un rythme effréné comme ça.


Le travail de composition de Junkie XL, ma principale source d’inquiétude sur ce film après avoir vu le second 300, participe activement à cette fuite en avant pédale au plancher. Il fallait quand même oser construire un énorme véhicule rien que pour jouer de la musique dans les poursuites, avec son association de tambours militaires et d’une créature aveugle suspendue telle une marionnette assénant de gros riffs de guitare (que j’aurais aimé entendre plus au passage). Le thème principal, entêtant à souhait, est sacrément efficace et correspond tout à fait à l’esprit du film. Sur la durée, on pourra reprocher une certaine redondance, mais c’était déjà bien mieux qu’espéré.


Et puis voilà, sans plus évoquer les différents éléments du film séparément, quel bonheur de voir un tel film au cinéma, surtout en 2015 ! La morosité ambiante des blockbusters et des films d’action n’a que trop été évoquée sur notre blog et ailleurs, Miller prouve qu’avec de la volonté, de l’audace et quand même pas mal de talent, sortir un énorme film d’action bien burné est encore possible. Mais bon, Hollywood n’étant pas une œuvre caritative, reste à prouver qu’un tel pari était financièrement viable. Les critiques sont excellentes, je ne doute pas que de nombreux cinéphiles retourneront le voir (je n’y manquerai pas), la 3D apportera un petit boost bien mérité vu sa qualité, je la recommande au passage. C’est d’autant plus nécessaire que Miller a annoncé depuis un moment avoir écrit la suite et travailler déjà sur le scénario d’un troisième film. S’il a des idées à revendre comme dans Fury Road, je ne peux qu’être preneur. On pourrait tenir la meilleure trilogie moderne de blockbusters et/ou de films d’action.


Il faut voir les plans démentiels que nous offre le film, certains clairement voués à devenir cultes (ainsi que le film, pour faire simple). Je pense que mon passage préféré reste celui dédié à un méchant secondaire qui se déchaîne sur fond de Dies Irae, tout y est juste parfait et incroyablement jouissif. Dans un film qui ose autant de chose sur l’action, il est génial de voir le hors-champ aussi bien utilisé, surtout pour iconiser Max juste comme il faut. Une variété intelligente et bienvenue dans un film qui sera en premier lieu retenu pour son orgie de tôle froissée, d’explosions et de duels à grande vitesse. Que dire de plus ? Le film est idéal pour se lancer dans la saga vu qu’il est une sorte de reboot, un Mad Max 2 alternatif, qui exploite le personnage de Max un peu à la façon de James Bond lorsqu’il y a un changement d’acteur. Il n’y a pas de continuité clairement définie, seulement un lien « dans l’esprit » comme l’a dit le réalisateur. Espérons d’ailleurs que ce film lui permette d’accéder à la reconnaissance qu’il semble avoir perdue avec Mad Max 3 à l’époque. Un retour en force d’autant plus jouissif qu’il semblait improbable, et qui s’avère être mon film préféré de la saga (pour le moment ?). 2017 paraît loin, très loin, pour attendre une suite dans laquelle j’ai totalement confiance après cette démonstration de force.

blazcowicz
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le 15 mai 2015

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blazcowicz

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