Le pitch de Macbeth est "je crois" connu de tous ... dévoré d'ambition et bien poussé par son épouse Lady Macbeth, le général Macbeth commet le crime de régicide pour s'emparer du pouvoir, mais très vite la culpabilité et la paranoïa les font peu à peu sombrer tous les deux dans la folie.


Je ne suis pas un spécialiste des œuvres de William Shakespeare, mais Macbeth fait parti des deux ou trois œuvres du grand dramaturge anglais, dont j'ai déjà vu soit une version ciné, télévisuelle ou théâtrale. L'histoire de Macbeth ne m'était donc pas étrangère et fort heureusement pour moi, car Orson Welles ne fait aucun effort ici pour présenter les tenants et aboutissants du récit. Au contraire, il nous plonge directement dans le récit d'une contrée énigmatique, avec les trois sorcières sur une colline en forme de vague, au milieu d'un décor plongé dans le brouillard et au ciel nuageux pesant (les personnages sont souvent filmés en contreplongée avec le ciel qui occupe la moitié de l'écran), ce qui "je pense" va en dérouter plus d'un.


La direction artistique est très belle, bien renforcée par la beauté du noir & blanc. J'ai toujours aimé l'esthétique et le rendu du noir & blanc et là ça colle parfaitement aux décors en carton-pâte du film, bien que parfois certains décors splendides (la colline en forme de vague des trois sorcières et le grand escalier du château) succèdent à d'autres un peu trop vides (la forêt des landes et les grottes). La photographie et les jeux de lumières sont essentiels ici, car la plupart des scènes sont tournées en nocturne. D'ailleurs la seule scène diurne du film est franchement trop éclairée, ce qui jure un peu avec l'esthétique globale du film beaucoup plus sombre, c'est un peu dommage.


L'interprétation très théâtrale des acteurs est très réussie, celle d'Orson Welles en tête. Son visage est un véritable miroir des sentiments, bien renforcé par la voix off qu'il assure lui-même et qui traduit ses pensées. Et même Jeannette Nolan, alors actrice débutante qui interprète Lady Macbeth (rôle crucial), est vraiment impeccable dans son interprétation. J'ai cru comprendre que ce choix fut très critiqué, mais personnellement je la trouve très belle et très juste dans son phrasé et sa gestuelle. D'abord elle alimente les ambitions de son époux, puis elle l'accompagne dans sa folie. Mention spéciale pour le passage où elle est victime d’hallucinations et de somnambulisme, l'une des scènes les plus réussies du film selon moi. L'interprétation du couple Macbeth - Lady Macbeth est donc l'atout majeur du film. C'est cette dynamique du couple qui s'autoalimente mutuellement, qui est au centre des enjeux du récit.


Par contre, là où ça bloque un peu de mon point de vue, c'est sur l'accent écossais très, trop prononcé des dialogues. Je comprends le parti-pris, c'est même une très bonne idée, car ça leur donne un ton menaçant et bestial (bien aidé aussi par les costumes en peau de bête) ... mais voilà, on ne comprend pas la moitié des mots prononcés. Et c'est encore plus flagrant quand on compare avec le phrasé des deux ou trois personnages anglais, qui sont nettement plus audibles et plus agréables à suivre. C'est vraiment reposant et on peut alors profiter du spectacle sans être obnubilé par les sous-titres.


MacBeth est une franche réussite, pour sa direction artistique, pour son respect du texte et surtout pour l'interprétation des acteurs, en premier lieu du couple Orson Welles - Jeannette Nolan. Il fallait de la prestance et une passion dans le jeu sans la moindre équivoque, pour résister à l’ogre Welles et ce dont fait preuve Jeannette Nolan.

lessthantod

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