Un nouveau Xavier Dolan est synonyme d’événement. C'est encore plus le cas ici tant ce septième long-métrage (et le premier en langue anglaise) a longtemps été attendu, discuté et critiqué avant l'heure. The Death and Life of John F. Donovan (titre beaucoup plus adapté que la VF) raconte la correspondance épistolaire entre une star montante d'Hollywood et un jeune garçon de 10 ans, lui même acteur. L'histoire prend alors une autre tournure lorsque l'homosexualité du premier est révélée au grand public et que les lettres des deux protagonistes sont publiées contre leur gré.


Lorsque le personnage joué par Jacob Tremblay, Rupert, rentre chez lui en trombe pour s’installer et hurler d'excitation devant son feuilleton préféré (dans lequel joue John F. Donovan), c’est une évidence : le film s’adresse à tous ceux qui, durant leur enfance ou adolescence, étaient vissés devant leur écran pour rêver. C’était mon cas, pour des dizaines de films que je regardais en boucle chaque semaine (jusqu’à user les bandes d’une de mes VHS).
Mais bien plus qu’une histoire de rêves et de fantasmes, The Death and Life of John F. Donovan est un film méta sur le cinéma. Comme ont pu le faire, dans un autre style, Robert Altman avec The Player (1992) ou Wes Craven avec Scream (1996). Les références s'enchaînent et l'amour pour le cinéma devient la ligne directrice du film.


Ici, chaque minute et chaque séquence transpire l’influence des œuvres populaires des années 90. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si Natalie Portman, Susan Sarandon et Kathy Bates, qui symbolisent à elles seules une grosse partie des succès de cette décennie, sont présentes au casting. Il y a du Titanic (1996), Magnolia (1999) dans une scène immense, The Silence of the Lambs (1991), Jumanji (1995) et l’ombre de Cruel Intentions (1999) qui plane sur la scène finale. Xavier Dolan parvient même à recréer une image culte de My Own Private Idaho (1991) dans l’une des dernières séquences. C’est certain, les élitistes vont probablement avaler leur langue dès les vingt premières minutes. Tant mieux. Le film fonctionne car il est d’une sincérité folle et d’une énergie fulgurante. C’est un objet créé par un passionné et pour les passionnés.


Bien sûr, des thèmes propres à X. Dolan refont surface au milieu de cette tornade. Les querelles familiales, l’homophobie, les réflexions sur la masculinité… De cette manière, l’oeuvre devient intemporelle puisqu’elle représente le passé, de par son esthétique, ses costumes et décors vintage, et ces sujets, plus actuelles que jamais. Comme souvent chez le cinéaste, le film retrace la quête d'une identité et d'un combat mené par des individus en marge de la société ou mis de côté.


La direction d’acteurs est de nouveau irréprochable. Kit Harington épate dans ce rôle titre, tout comme Susan Sarandon qui joue une mère alcoolique. Mais parmi ce flot de stars, c’est Jacob Tremblay qui brille le plus. Il a une scène, face à Natalie Portman, absolument dingue, où l’intensité de son jeu transperce l’écran. La photographie est également splendide, toujours grâce à André Turpin, qui transforme chaque plan en oeuvre d’art où les acteurs et actrices sont iconifiés, comme ils pourraient l’être dans les pages d’un Vanity Fair. Le rêve toujours. Le duo formé entre le cinéaste et le chef op est, selon moi, l'une des plus belles collaborations du cinéma. La plus efficace aussi.


Je dois retourner le voir, bien sûr. Pour mieux l’absorber, le décortiquer et m’arrêter sur quelques détails. Il est évident que j'en ai loupé pleins et que d'autres en trouveront de nouveaux. C'est une oeuvre très riche, ultra-référencée et qui gardera une place très à part dans la carrière du metteur en scène. Et puis, pour le plaisir de revoir cette scène où Susan Sarandon regarde, pleine de mélancolie, Kit Harington chanter à tue-tête dans une baignoire. Du cinéma quoi.

ThomasDsr
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le 2 mars 2019

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Thomas D.

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