Le fait de voir cette nouvelle version de P'tit Quinquin (ne jouons pas au jeu des 7 différences, avec un peu d'honnêteté, vous l'avez remarqué aussi), à laquelle le public semble globalement adhérer, m'a permis de mieux me concentrer sur l'analyse : j'ai essayé de comprendre tout le long pourquoi je ne me faisais pas au style du Dumont-Comédie. Je ne peux certes pas totalement me plaindre car je suis le premier à regretter l'absence de style, d'ambition et de d'originalité dans la comédie française actuelle... Dumont possède toutes ces qualités, propose une loufoquerie totalement à part dans la production actuelle... Mais ce n'est pas parce qu'on fait différent qu'on est forcément drôle... Au départ, le réalisateur vient du drame social et ça se sent... La mise en scène et la photographie montre un véritable Amour du sujet filmé, aussi bien des paysages que des personnages, et c'est peut-être une des raisons à la base des difficultés qu'il a à nous faire rire...


Les reproches qui reviennent le plus souvent concernent la longueur de certaines scènes, et du film en général... 2h ! Ce n'est jamais très bon pour une comédie. Et en effet, à défaut de rythme, le style de Dumont se fond dans une sorte de lenteur, voire torpeur, d'où est censé venir le rire... mais la plupart du temps, c'est une sensation de gène que j'ai ressenti. A force d'étirer ou de répéter un gag, il finit par lasser... C'est le cas des nombreuses « chutes » des personnages tout le long. Quelqu'un qui tombe, c'est rigolo une fois... dix fois, ça finit par lasser. C'était déjà aussi le cas dans P'tit Quinquin, exemple typique, où la jeune fille/starlette du village se met à chanter un morceau pop dans l'Eglise dans un silence... religieux... sauf que Dumont a la très mauvaise idée de laisser la chanson dans sa totalité. C'était rigolo les premières secondes, alors qu'au bout de trois minutes... Finalement, nos rires font place au même silence gêné ressenti (ou pas) dans la salle.


Même si j'adore la décision de prendre de véritables p'tit' gens pour jouer des personnages "vrais" et dont le comique vient de leurs langages et comportements si particuliers (oui, ça ne m'a jamais gêné de rire du handicap), il faut admettre du coup que cela rend la performance des véritables acteurs beaucoup moins crédibles. C'est certes voulu par la réalisation... et alors ? Les acteurs en font beaucoup trop, comme pour rattraper leur retard sur la réalité, jusqu'à cabotiner de manière excessif. On va m'analyser ça comme étant lutte sociale entre les paysans et les bourgeois, loin de leur monde... soit... ça n'empêche pas le casting 4 étoiles de devenir insupportable sur la longueur. De plus, petit bémol à l'excellent acteur qu'est pourtant Luchini : il ne tient pas son rôle jusqu'au bout. J'appréciais ses mimiques dans la première scène où il jacte, avec sa démarche particulière mais dès la scène suivante, où il mange une omelette en parlant du pêcheur, il se met tout simplement à refaire du Luchini. Bref, si l'exubérance plaît à beaucoup, il faut aussi savoir la doser, sinon, elle devient vite agaçante.


Enfin, je n'ai rien contre le fantastique utilisé à fin de loufoquerie mais encore faut-il qu'il est une utilité, une logique, au moins métaphorique à la poésie du film. Là, même si le fait que trois personnages se mettent à s'envoler sans raison passe bien au milieu de toutes ces excentricités, j'ai beau cherché, j'ai pas compris le "pourquoi"... et on se retrouve alors devant une interruption impromptue plutôt qu'une fantasmagorie drôle et pertinente. D'ailleurs, de quoi m'a parlé ce film ? A quoi a servi le personnage mi-fille mi-garçon, outre la blague ? Pourquoi avoir voulu représenté « Ma Loute » et sa famille comme des cannibales ? Tant de questions dont j'attends les réponses (en commentaires, si ça vous dit...). Il y avait des rires dans la salle mais ils s'évanouissaient au fur et à mesure... Dommage, le style est là mais le timing est encore à retravailler.

Strangeman57
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le 15 mai 2016

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Strangeman57

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