"Tu ne regardes jamais dans les yeux."

Derrière ce titre simple, qu'on pourrait presque croire niais, se cache un cinéma de la disparition et du vide qu'elle laisse, un cinéma apaisé dans lequel Kōji Fukada continue de creuser le sillon qui semble guider sa filmographie désormais conséquente.

Un portrait de femme qui se voit progressivement destituée de tous ses rôles (familiaux, sociaux, amoureux) et tente, vainement, de les combler, de les remplacer, ses désirs continuellement brimés par ceux écrasants des hommes ou par les injonctions sociales (rappelant l'impeccable L'infirmière). Derrière cette héroïne, Fukada dissèque les strates d'une société japonaise corsetée, aux rapports froids et distanciés dont il se permet de dévoiler l'intimité et le caché (deux séquences bouleversent, par leur pure simplicité : un changement d'ampoule et une cigarette partagée de nuit sur un balcon).

S'il se perd parfois dans des séquences superflues (notamment le déséquilibre de traitement entre les deux personnages principaux) et des changements de ton décalés, Fukada trouve la juste distance et le bon ton, alliant douceur et tension constante (la longue séquence d'ouverture, qui embrasse avec talent les intérieurs japonais, tout en flottement, est impressionnante).

Love Life, sans trop en dire, c'est le récit de la vie et de la mort, de l'amour et de sa fin, une observation des lâchetés et des courages quotidiens, du passé qui revient à la charge et dans lequel on préfère se réconforter, des êtres qui se tournent autour sans jamais percer leur armure, des sentiments, des réactions, des choix et des langages qui diffèrent entre les êtres. Un cinéma apaisé donc, qui se rapproche (et c'est tant mieux) du sublime Drive My Car de Ryusuke Hamaguchi (le beau rôle donné aux silences des dialogues muets, l'importance du voyage et da la reconstruction.).