Louise Brooks nous contemple depuis l’écran comme si celui-ci
n’existait pas. Elle neutralise les artifices du cinéma et nous invite
à jouer avec elle.



Citation du célèbre critique américain Roger Ebert, et je n’aurai pu trouver de mots plus justes pour résumer en deux phrases la fantastique prestation de Louise Brooks.


Die Büchse der Pandora, plus connu sous le nom de Loulou s’avère être un film traversant le temps et les époques, proposant ce que le cinéma pourrait offrir de plus fort. D'ailleurs, on comprend pourquoi ce film a été coupé et censuré dans divers pays, tant son traitement des mœurs, notamment sexuels, peut s’avérer cru pour l’époque, ainsi que l’apparition du premier rôle lesbien au cinéma (dont le montage français de l’époque serait affreux, modifiant totalement les personnages).


Loulou (le film) c’est avant tout Loulou (le personnage), une belle et innocente tentatrice, dont la sensualité, les caprices et l’innocente perversité peuvent mener à l’autodestruction, ainsi qu’à celle de ses proches. Intrigue fragmenté en actes, à l’image d’une pièce de théâtre (dont le film est tiré), on découvre Loulou dans un salon Berlinois, puis on est plongé dans un univers corrompus, d’abord en Allemagne, puis sur un yacht et enfin à Londres.


L’histoire est passionnante et très bien écrite, l’étude des différents caractères est intelligente et bien faite, montrant bien le pouvoir du sexe, de l’amour ou encore de l’argent. Si la galerie de personnages est fascinante et que l’on découvre des personnages qui ne sont pas « moraux » mais juste humain c’est avant tout Loulou, pour laquelle on est captivé puis fasciné, brillamment interprétée par la superbe Louise Brooks dont la beauté, la grâce ou encore l’érotisme qui se dégage de tous ses faits et gestes donnent littéralement vie au personnage (et qui imposa sa coiffure, frange et coupe au carré, qui porte encore son nom aujourd’hui).


On peut amèrement regretter qu’Hollywood l’ait mise sur liste noire et propagé la rumeur que sa voix ne convenait pas au parlant, ce qui est bien évidemment faux. On notera aussi son jeu très naturel et subtil, loin de celui théâtral (parfois trop) de cette époque, ce qui est parfait pour les très beaux plans du film où son visage illumine l’écran. La mise en scène de Pabst est superbe, il arrive à créer une atmosphère envoutante et fascinante (parfois effrayante même) ainsi que de donner de la puissance aux enjeux dramatiques sans jamais tomber dans le mélo, la caricature ou la niaiserie. Sa réalisation est superbe, que ce soit les cadrages, les plans… et la qualité d’images est excellente, tout comme ce magnifique noir et blanc accompagné d’une excellente musique qui sonne tout le temps juste avec le récit.


Loulou c'est en même temps triste et magnifique, parfois effrayant et d’autre fois sensuel, toujours avec ce portrait des mœurs de la haute société toujours réaliste et loin des caricatures de certains films de l’époque du code Hays aux USA. Une œuvre qui n'a pas pris une ride malgré son âge qui s'élève aujourd'hui à plus de 85 ans, une œuvre rare comme le cinéma en offre peu et c’est surtout Louise Brooks, dont les éloges ne manquent pas dans cette critique et comme le dit si bien le fondateur de la cinémathèque « Il n’y a pas de Garbo ! Il n’y a pas de Dietrich ! Il n’y a que Louise Brooks ! ».


Intemporel.

Docteur_Jivago
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le 30 mars 2014

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Docteur_Jivago

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