Bill Murray et une mystérieuse actrice au jeu aussi plat qu'un écran très plat sont dans un hôtel.
Ils sont paumés dans leurs vies, paumés dans leur jetlag, dans le luxe et les interactions bigarrées avec des gens étrangers avec lesquels peu de compréhension semble possible. Ça pourrait être une ballade neurasthénique agréable, une petite variation arty sur le mal-être bercée de vagues électro.

C'est, au final, un relatif pensum émaillé de blagues racistes apparemment censées être super drôles, avec beaucoup de travellings en bagnole et peu d'à-propos.

Oui, blagues racistes.
Je ne pense pas être sujette à la nippomania de ces dernières années, loin s'en faut à vrai dire, mais tout dans la première partie du film m'a rendue mal à l'aise, avec ses clichés culturels que ne renierait pas Marcel, théoricien du PMUisme. Les japs sont forcément hystériques et un peu niaiseux (on sent qu'on est supposé rire), serviles, parlent quinze ans pour dire deux phrases. On a également droit à un long plan-séquence de bornes de jeux vidéo, une analyse de mœurs bouleversifiante de profondeur et de subtilité.
Qu'on rie d'un décalage culturel ou d'une incompréhension mutuelle, je n'ai rien contre. Qu'on se foute allégrement de la gueule d'une culture avec des blagues dont la moitié ne serait JAMAIS passée dans une comédie franchouillarde mais dont personne ne trouve rien à redire quand elles sont emballées dans un filtre arty (et quand c'est arty, ça peut pas être raciste puisque c'est arty) me pose en revanche plus de problèmes.
Si vous trouvez que j'extrapole/exagère, je vous encourage humblement à remplacer mentalement les japonais par des noirs qui souriraient tout le temps en essayant de vous refourguer des bananes, vous aurez peut-être un aperçu de mon malaise.

Malaise qui se poursuit avec le gros plan bien lourd sur le cul de Scarlett Johansson emballé d'une culotte transparente dès le premier plan du film, et par le traitement global de son personnage, une cruche qui se balade en sous-vêtements la moitié du temps, avec une insistance visuelle bien trop lourde pour que puisse jouer le simple argument du "c'est normal, elle traîne dans sa chambre d'hôtel".
Donc soit Sofia Coppola sacrifie à une fixette lesbienne sur Scarlett Johansson (ça arrive à moi... euh, aux meilleurs d'entre nous), soit c'est juste super putassier et, encore une fois, ça ne serait JAMAIS passé dans une comédie franchouillarde réalisée par un homme, mais là c'est un film arty réalisé par une femme donc apparemment c'est, encore une fois, no problem pour faire de la merde dans l'indifférence générale.

Scarlett Johansson, d'ailleurs, est inexistante : la faute certes à son jeu d'actrice, mais aussi à une écriture incohérente, qui présente son personnage comme une indécise misanthrope alors que son unique fait d'armes consiste à rire bêtement aux blagues de Bill Murray, et - comble ! - comme une étudiante en philo qui, apparemment, ne trimballe pas un seul bouquin dans sa valise et cherche des réponses à ses questions existentielles dans... un livre audio de développement personnel. Si, si.

Le pire étant que, même expurgé de ces débilités ordinaires, le film ne surnage que grâce à sa BO envahissante, qui fait le boulot de Coppola à sa place en suggérant la mélancolie des personnages, ce qu'échoue à faire une réalisation peu inspirée.
Bill Murray fait son job - et improvise sans doute la moitié de ses répliques - et sauve tout le monde du suicide.

Au final, si on retient le meilleur, on assiste à un clip de Air plutôt mignon. Sauf qu'il fait 97 minutes de trop.
LaurèneBancale
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le 22 mai 2013

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le 22 mai 2013

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