Dans les hoquets du pianola...

J'ai une petite théorie. En fait, Jacques a réalisé trois chef-d'œuvres. Et il s'est dit que ça suffisait. On croira presque qu'il avait décidé ça à l'avance (pour ma part, j'en suis convaincue). Trois, c'est un bon chiffre. On ne peut pas tous en réaliser quarante, et puis trois, c'est, je le répète parce que c'est un argument important, un bon, voire même un excellent chiffre. Surtout quand ils sont, je le répète parce que c'est aussi un argument majeur, absolument géniaux.

Là, le charme n'opère pas. On retrouve certes ce cher Roland Cassard, après les Parapluie de Cherbourg. Vous vous souvenez de la chanson des Parapluies, "Autrefois, j'ai aimé une femme, elle ne m'aimait pas, elle s'appelait Lola, au-tre-foiiiis"? Et bien c'est elle, Anouk Aimée. On est en 1960, sept ans avant les Parapluies. Et je pense franchement que dans les années qui ont suivi, Demy a compris que sa direction d'acteurs posait quelques problèmes, et a changé des trucs. Anouk, ici, est pénible. J'ose à peine penser aux hurlements des habituels détracteurs de Demy.

Et le scénario manque d'allant.

Voilà, j'ai essayé de critiquer Demy en mal. Maintenant, passons aux bonnes choses! Ah, ça va tout de suite mieux! Lola, où comment retrouver 7-8 ans avant, tout ce fera le sel et le charme de Demy. Une sorte de premier tome de la Recherche du temps perdu, mais en délicieusement raté. Les cafés où l'on passe et repasse, les marins, l'attente du grand amour, ces boutiques en coins de rue, ces rapports entre mères et filles, la géographie des ZIP. Et d'autres aspects positifs, que l'on retrouve, bizarrement assez peu, dans la trilogie en-chantée: les séquences de plans hâchés, dans le bon sens du terme, dans une fête foraine ou un cabaret. Supers scènes de cabaret, d'ailleurs, auxquelles Godard rend peut-être hommage dans Une femme est une femme.

Bref, en regardant Lola, on est heureux, heureux, un peu comme quand on regarde les Star Wars 1, 2 ou 3. Ouf, ils reviennent après, mais en mieux! Et on file regarder Un nouvel espoir. D'ailleurs, ça fait longtemps que je n'ai pas regardé les Demoiselles.

Et je rajoute que Le Nantes de l'époque, ville natale de Jacquot, est magnifiquement filmé, surtout cette fantastique galerie commerçante qui s'étale en escaliers et colonnades, et que l'on revoit, l'espace d'un plan, dans Les Parapluies. Bref, Lola ne m'a pas séduite, mais ça reste un film de Demy, un espace de rêve. Rien qu'à entendre la musique de Legrand, dont le thème revient dans les Parapluies, on a les larmes aux yeux tellement c'est beau.

Et ici, un exemple de comment faire une critique positive d'un film que l'on a trouvé très moyen. Par contre, pour Model Shop, je ne peux pas. Je l'ai trouvé difficilement sauvable. Mais il a ceci de génial qu'il confirme ma petite théorie.

Je rajoute que le jeune Pruneau est un Demyen dans l'âme. Il cache un coffret de Demy qu'on lui aurait soi-disant "offert", il aime assez Lola et les Demoiselles. Bref, encore deux trois films (go go!), et il est fin fan.
Hélice
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le 5 juin 2011

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