Quand l'homme arrivera.... ce sera la fin

Les superhéros plaisent. Afin de répondre à la demande, Marvel produit toujours plus. La machine s’emballe, les créatifs sont appelés en renfort. Pour préserver la poule aux œufs d’or, ils sont priés de renouveler les concepts. Après l’étudiant introverti, le milliardaire égocentrique, le tueur froid, les dieux asgardiens, le film choral, le space opera, l’humour de corps de garde, un Africain, une femme, un recours à l’animation, manquent l’aborigène, le Chinois et les seniors. Non, les vieux, c‘est fait, car, voici venu le temps du road movie crépusculaire. Les héros vieillissent et meurent.


Wolverine est l’icône des super héros tardifs. Soldat amélioré, Captain America incarnait le bien, triomphant et confiant. Bien que créé par la même armée, Logan est une machine à tuer impliquée dans des guerres sales... Le Vietnam est passé par là. Il a déserté. Il tue, mais cherche à fuir son destin. Dans ses pires cauchemars, le méchant, c’est lui.


Dans un futur proche, survivent, cachés et vieillissants, Caliban, un ancien badboy, le professeur Xavier et Wolverine. Xavier a échoué, les mutants sont morts et l’espèce en voie d’extinction. Sénile, il s’avère incapable de maitriser ses pouvoirs. Pour protéger son entourage, il est drogué et enfermé dans un réservoir métallique désaffecté, élégant et décadent substitut au Cérébro. Ubérisé, alcoolique et suicidaire, Logan est réduit à conduire une limousine. Empoisonné par l’adamantium qui fit sa force, ses pouvoirs déclinent. Il est sorti de sa torpeur par l’arrivée inopinée de Laura, une dangereuse gamine muette. Si les anciens mutants étaient les fruits d’évolutions génétiques, de nouveaux ont été conçus en secret, au Mexique, par un industriel. Le contrat précise qu’ils seront livrés à l’armée américaine, soumis et implacables. Laura (Dafne Keen) a fui, ses concepteurs sont sur ses traces.


La gamine livre une belle interprétation l’orpheline apeurée, méfiante et amorale, en lutte pour sa survie. Hugh Jackman est égal à lui-même, grognon, râleur et brutal. Affaibli, il boite et s’essouffle. Subtile innovation, il a affuté ses lames, qui ne frappent plus seulement d’estoc, mais aussi de taille. Têtes et membres roulent, apportant l’aspect gore promis. Les combats sont âpres, bien que répétitifs. Je t’embroche et tu me mitrailles. Je tranche et tu m’écrases. La faute aux vilains. À l’instar des gladiateurs d’antan, quand les méchants déçoivent, ils sont mis à mort. Le mercenaire, le clone et le savant fou seront tués.


Si la vieille amitié entre Logan et Xavier est bien écrite, la relation père/fille est bâclée. Logan et Laura communient dans le même monolithisme. Je ne suis pas ton père, je porte la poisse. Pas grave, je veux juste retrouver mes copains. Autre déception, les gamins, sensés incarner la relève des X-Men, sont inconsistants. Tout au plus ont-ils droit à une courte et brouillonne scène, juste suffisante pour dévoiler leurs talents.


Un vieux mutant et une gamine, esseulés sur la route. L’orgueilleuse Amérique semble s’être effondrée Si on excepte les clients décérébrés de la limousine et le gang de latinos, nous ne rencontrerons qu’une famille de petits fermiers noirs, leur riche voisin et ses nervis, l’escadron de tueurs et... c‘est tout... La terre est morte et les villes désertées. Les X-Men ont échoué. Les USA ont failli à leur mission providentielle. C’est la fin.


En parlant de fin, les dernières scènes s’enchainent trop rapidement. James Mangold est manifestement pressé de rendre sa copie. Ils ont vaincu. « Il n'y a plus de fusils dans la vallée », se réjouit Laura, citant L’homme de la vallée perdue. Logan implore Laura de ne pas devenir ce que ces créateurs ont voulu faire d'elle, vous me suivez ? Tuer, fussent des méchants, avilit... Elle l’appelle « Dad ». Le père putatif répond dans un très fugace sourire, le premier en neuf longs métrages : « Alors, c'est ça l'effet que ça fait… » Rideau.


Un Johnny Cash épuisé lance de sa voix rocailleuse...


When the Man comes around.
And I heard a voice in the midst of the four beasts...
And I looked and behold: a pale horse.
And his name, that sat on him, was Death.
And Hell followed with him.

Step de Boisse

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