Dès sa toute première scène, Logan annonce la couleur : le film sera douloureux, brutal et empreint d’un réalisme se démarquant des autres adaptations de la franchise X-Men. Et surtout, notre héros va complètement en chier du début à la fin.


Avant d’aller plus loin, une petite précision. Parce que je n’ai pas envie de mettre une balise spoiler sur l’entièreté de ma critique, je préviens d’avance, je vais SPOILER à foison et comme un déglingo. Donc toi qui veut voir le film, ne vas pas plus loin et reviens après l'avoir vu.



Le combat du mortel



Ayant une affection toute particulière pour le personnage de Logan/Wolverine, la première réction qui s'impose naturellement est la douleur. Logan est un film qui fait mal pour tout un tas de raisons. Évidemment pour la violence organique de ses scènes d'actions, longues et animales dans lesquelles Wolverine et X-23 s'en donnent à coeur joie (et ça y est, les griffes en adamantium coupent ! Ce ne sont plus ces espèces de bâtons qui tranchaient une fois sur trois), mais aussi, et surtout, pour la brutalité de la réalité dans laquelle évoluent les personnages et en particulier des très vieillissants Logan et Xavier. Les mutants sont les vestiges d'un passé concentré dans des comics books, et la nature semble reprendre ses droits sur "l'impureté" que représentaient les mutants par rapport à l'humanité. L'adamantium empoisonne un Wolverine qui ne guérit plus aussi vite et qui semble plus affaibli que jamais, et Xavier n'est même plus la moitié de ce qu'il représentait, la faute à une maladie dégénérative dans le cerveau le plus puissant du monde. Les deux partagent d'ailleurs un point commun, leur première apparition dans le film est déstabilisante. Logan se fait malmené par 4 membres d'un petit groupe de malfrats mexicains et Xavier est tout simplement empreint de passage de folie qui le voit faire des cercles en criant son amour pour le poulet frit. Chaque seconde, chaque action semble être une épreuve douloureuse pour eux qui ne sont finalement que le témoignage d'un passé oublié.


Et en ce sens le travail autour de la souffrance de ces deux personnages, et en particulier celle de Logan, est remarquable puisqu'elle prend à parti le spectateur, et partage ainsi sa douleur avec lui. Logan est un film épuisant et brutal duquel on ne ressort pas complètement indemne. Le visage marqué par une douleur physique qu'il n'a que trop peu ressenti au cours de sa longue vie, Logan avance, animé par la nécessité de chercher une rédemption, personnifiée à travers le personnage de Laura, qui se révèlera être sa fille. Jamais la douleur ne le quittera, prenant de nombreuses formes, culminant à un point charnière du récit et la mort de Xavier. La scène de son enterrement est, à ce titre, absolument déchirante. Pris d'une détresse incontrôlable, Logan ne peut prononcer le moindre mot pour lui rendre hommage et finit par faire exploser sa rage contre sa voiture. Vue de loin, et à hauteur des yeux de Laura, la scène est à la fois grotesque et d'une tristesse infinie, et marque le tournant dans le voyage de Logan. Il n'a plus personne. Toutes les personnes auxquelles il tenait ont disparu, il n'a presque plus de raisons de vivre. Et ce sentiment est terrible pour le spectateur, impuissant derrière l'écran.



Real Hero



Logan n'est pas un film de super-héros formaté. Outre le rythme lent que le film emprunte, l'univers futuriste et réaliste (qui, au passage, n'a pas besoin d'abuser de technologies clichées à base de projection sur des plaques de verres (coucou Avengers ou autres abus CGI dégueu pour te faire comprendre que, oui on est dans le FUTUR!)) joue sur sa simplicité pour cerner les enjeux du récit. Logan est un film qui prend son temps pour apprendre à dévoiler ses personnages, pour en faire son propre moteur. En plus du traitement fait à Xavier et son personnage principal, le film dévoile la jeune Laura, représentation de l'univers dans lequel évolue les personnages (bien plus que les "bad guys"), à la fois violente, animale et habitée par une utopie lue dans un comic book. Le décalage et la relation qui grandit entre elle et Logan est à la fois géniale et drôle, mais frustrante. Parce que je trouve que le film ne va pas au bout, et lors de l'ultime scène et des adieux déchirants, il m'a manqué un truc. L'émotion passe plus par rapport au lien entre le spectateur et Logan que par celui qu'il entretient avec Laura. Et pour un film qui joue énormément là dessus c'est dommage.
Mais soyons franc, ce sont des reproches minimes. Parce que leur relation est finalement beaucoup plus subtile que ça, jonglant entre humour, amour vache et émotion pure. Une émotion qui prend différentes formes que ce soit de la détresse non partagée à l'enterrement de Xavier, ou de la joie de vivre au repas dans la ferme, ou simplement la tristesse dans sa forme la plus pure lors de la mort de Logan. Une mort qui clôture le film de manière remarquable, toujours dans la simplicité qui caractérise si bien le film, laissant naturellement la place aux larmes.


Alors oui, on pourrait aussi parler des méchants très peu charismatiques et mal utilisés, limite prétexte à l'action, oui on pourrait parler de certains raccourcis dans l'écriture, mais l'important n'est pas là. Non, Logan n'est pas un film parfait. Mais c'est un film qui essaye, qui prend des risques dans un genre cinématographique qui est formaté au possible. C'est un film qui maîtrise sa ligne directrice et qui va au bout de ses idées, tant en terme d'écriture que de mise en scène. C'est un film brutal, violent, intense et émouvant. C'est un voyage qu'on a le droit de partager avec des personnages qu'on ne peut se résoudre à voir partir pour toujours.
Un film magnifique et puissant, tout simplement.

Strangelove
8
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le 2 mars 2017

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Strangelove

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