Un éléphant, ça trump énormément.

La grosse machine Logan est là, et le succès est à la hauteur du battage commercial lançant le bestiau. Dernière apparition de Logan, il faut donc raccrocher en passant par les cimes. Et quoi de meilleure recette dans ce cas que la refonte des icônes, malmenées par le temps tout en cherchant une petite rédemption ? La saga partant sur des bases mauvaises (catastrophique début et suite branlante), les chances de réussir sont meilleures, et le film se révèle audacieux sur plusieurs points de son scénario. Hélas, c'est toujours en flirtant avec l'agacement du spectateur.


Sur l'évolution des personnages, le film se permet un certains nombres de choses, qui seront d'autant plus appréciées par les fans qu'elles enrichissent (et renouvèlent enfin) les protagonistes du professeur Xavier et de Logan. Cette piste des dégâts du vieillissement chez l'un et de la maladie chez l'autre atteignent enfin l'efficacité de ce que recherchait Le combat de l'immortel. Les personnages sont donc affaiblis, ce qui permet au niveau sentimental de frapper plus large sans être à fortiori plus subtil (les radotages de Charles deviennent particulièrement lourds). L'approche intimiste est le principal changement apporté à la saga, ce qui renouvèle au moins dans la forme ses ingrédients humains. La musique suit donc cette logique, berçant régulièrement de mélancolie ses images, souvant appuyée par des bruitages très sensoriels. Pour compenser la "baisse" de rythme, la violence y est décuplée, tenant pour l'essentiel dans les attaques dévastatrices de Logan. C'est là le principal point positif de ce choix, la violence permettant de réimpliquer le spectateur là où ses deux prédécesseurs se révélaient mous (sans parler des films X men). Le choix arrive trop tard, mais se révèle payant.


On touche maintenant au problème du fond. Le film est anti-trumpiste avéré. Même lorsqu'il essaye de le cacher (le docteur de campagne), c'est tellement évident qu'on ne peut pas rester neutre devant autant de propagande hollywoodienne sans le relever (et hélas, je crains que c'est ce qui contribue à renforcer les avis positifs, nombres de critiques se plaisant à faire remarquer leur humanisme). TOUS les personnages secondaires positifs sont issues de minorités ethniques (deux seulement sont génétiques) et TOUS les personnages secondaires négatifs sont des blancs caucasiens typés texans. L'infirmière mexicaine (et martyre) se complaît en effusions soulignées "Ils croient que nous sommes pauvres et stupides ! Nous sommes pauvres, mais pas stupides !". C'est bien là qu'est le fond du film, tout le monde voit où il veut en venir. C'est d'ailleurs dans cette inversion des codes surlignée qu'il retrouve une certaine virginité des thématiques minoritaires (de couleur, de sexualité...) chères à la saga X men. En cela, il retrouve une certaine intensité, hélas au prix de toute subtilité (il y a cette volonté de ne pas lisser les angles). Allez, ne nous formalisons pas, Mangold se fait mousser devant ses amis à Hollywood, et on va l'aimer pour ça (au point parfois de constater des changements de critiques sur son précédent film, c'est fou comme l'euphorie populaire peut oublier/pardonner certaines erreurs du passé).


Malgré cette tare voyante d'avoir quelque chose à prouver, le script soutient suffisamment ses choix pour qu'on ne sorte pas de sa mécanique. Même sur un détail aussi lourd que la redondance des comics X men (le fan service nul qui trouve une justification de justesse), il parvient à garder le niveau pour enchainer sur la suite. Le rythme faiblit ça et là (le road movie n'aide pas toujours), mais les régulières escarmouches relancent l'action, avec quelques temps forts (la découverte de laura, la confession de charles, la confrontation de logan...) qui ont un potentiel pour marquer. Car il s'agit du premier film marquant de la saga de Logan, et d'un film notable dans le paysage d'X men. Sans aller beaucoup plus loin, car il s'agit bien d'un blockbuster marvel, avec quelques problèmes récurrents (les enfants soldats qui n'utilisent presque jamais leurs pouvoirs...). L'implication y est infiniement plus grande qu'un days of future past, dont la gravité et la violence trumpent l'ennui qui remplit les espaces entre les séquences fortes. Hugh Jackman raccroche dignement, et on s'en tire avec un blockbuster engagé traversé de fulgurences.

Voracinéphile
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le 15 mai 2017

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