1. Alors que la guerre du Viêt Nam fait rage, le cinéma n'ose pas s'attaquer au sujet qui traumatise profondément l'Amérique. Certains s'y attèleront de manière détournée, ancrant le récit dans une autre époque ou un autre lieu, un peu comme un Voltaire et son Zadig ou la Destinée. Démystifiant l'aura bienfaitrice dont jouissait la conquête de l'Ouest, Arthur Penn va donc faire d'une pierre deux coups avec son chef-d’œuvre Little Big Man.


Jack Crabb, 121 ans au compteur, raconte son histoire à un jeune historien. Narrant sa propre vie, précieux témoignage du temps de la conquête de l'Ouest, le vieil homme va entraîner son interlocuteur dans une fresque épique. Tout commence par le massacre de ses parents par des indiens Pawnee alors qu'il n'est encore qu'un enfant. Recueilli, avec sa sœur, par un guerrier Cheyenne, puis adopté par la tribu de ce dernier, le visage pâle deviendra bien malgré lui, le spectateur de la construction de la nation américaine.


Jack, ce magnifique paumé, semble subir tout le long de sa vie des mésaventures incroyables. Le cul entre deux chaises, le personnage expliquera :



C'était très démoralisant : quand ce n'était pas un Indien qui voulait me tuer parce que j'étais blanc, c'était un Blanc qui voulait me tuer parce que j'étais indien.



Jack incarne les différents avatars de cette époque. Tour à tour indien, commerçant, tueur ou encore trappeur, notre héros est un savant mélange d'héroïsme et de bouffonnerie. Cet alliage de tragi-comique est incarné par une étoile montante d'Hollywood, Dustin Hoffman.


Little Big Man, c'est aussi de superbes rôles féminins. Faye Dunaway incarne Louise Pendrake, femme de pasteur et un temps mère adoptive de Jack, qui tente de freiner sa sexualité sous un puritanisme de façade. S'en suit un interlude suédois avec Olga, qui deviendra plus tard une Cheyenne au caractère explosif. Et puis il y a Rayon de Soleil, interprétée par Aimée Eccles. Beauté éblouissante, douceur matérialisée, la seconde femme de Jack est un délice pour les pupilles à chacune de ses apparitions.


Adaptation de Mémoires d'un visage pâle, premier roman de Thomas Berger, Little Big Man est l'un des plus beau film humaniste du septième art. Arthur Penn apporte sans doute une pierre important au grand genre du Western. Bourré d'humour et de candeur, le film n'en reste pas moins un brise-cœur. Toute cette violence, ces morts... Chienne de vie.

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le 15 janv. 2018

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Vincent Ruozzi

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