Lilya 4-Ever
7.4
Lilya 4-Ever

Film de Lukas Moodysson (2002)

Je n'ai pas aimé du tout, j'ai même détesté ce film, qui jouit pourtant d'une certaine notoriété ici. Alors c'est peut-être moi qui suis passé totalement à côté du film. Je ne sais plus quel théoricien littéraire disait que si l'on aime pas un grand chef d'oeuvre de la littérature, c'est de notre faute, pas celle de l'oeuvre. Je n'ai peut-être pas compris son essence. Mais c'est typiquement un cinéma que je n'apprécie pas (et pourtant, le matériau me semblait être là pour faire un bon film). Je n'ai pas eu l'impression d'assister à une oeuvre de Cinéma. Je vais être peut-être un peu dur, mais j'ai ressenti pendant tout le film une grande lourdeur, une grossièreté qui n'était pas toujours la bienvenue, une certaine vacuité, et surtout, une mauvaise mise en scène.


Film très excentrique. On dirait parfois du sous Lars von Trier dans la forme, on en tout cas du sous dogme95. C'est laid, mal réalisé, c'est un film surtout fatiguant et qui m'a beaucoup usé, car cela ne cesse de bouger, le film ne laisse pas respirer son spectateur au point que la caméra m'a donné le tournis ! Parfois j'aime bien ce genre d'expériences, quand ce sont des Garpar Noé ou des Lars von Trier derrière la caméra, à savoir de grands réalisateurs. Mais ici, ça ne respire pas le Cinéma, ça respire le clip musical.


Mais je trouve surtout que les personnages sont très mal construits. Tout simplement car nous (enfin je) n'y croyons pas, et que les liens qui les unissent ne sont pas réussis. Je ne demande pas au cinéma qu’il soit réaliste, mais au moins vraisemblable, c’est-à-dire que le spectateur puisse croire à ce qu’il voit (non pas croire dans un rapport de logique, mais tout simplement pénétrer l’histoire, ses personnages donc, que le film ait l’air de vivre par lui même). Ici, ce n’est tellement pas le cas, j’ai trouvé le tout très superficiel, le film ne vit pas en autonomie, on sent beaucoup trop l'impact de l'auteur sur le déroulement de l'oeuvre. Une oeuvre où je n'ai rien ressenti qui plus est ; pas d'érotisme avec ce personnage masculin, cette pseudo romance est totalement ratée, les rapports entre les personnages sont beaucoup trop excentriques et ne m'ont pas permis d'y croire (je pense notamment aux rapports entre Lilya et sa mère durant le premier quart d'heure, que ce soit au moment de l'annonce du refus que Lilya parte aux USA, où au moment où la mère part pour de bon).


Il y avait quelque chose d'intéressant à faire avec le personnage de Volodya, c'est indéniable ; c'est le seul personnage qui, à mon sens, pouvait élever le film, le tenir. Ce regard d'enfant sur cette médiocrité ambiante, sur cette désinvolture... C'est amitié d'amour qui l'unit à Lilya, il y avait quelque chose à faire, quelque chose de beau même. Le réalisateur avait tout un matériau intéressant pour créer un personnage fort, et donc, par ce personnage, renforcer celui de Lilya. Mais bon, finalement, j'ai trouvé ça à nouveau raté, du fait notamment d'une grande faiblesse au niveau de l'écriture du film ; les dialogues sont assez médiocres. Ils sont d'une grande pauvreté : soit ce sont des lieux communs, soit ils sont creux, soit ils se veulent plus intéressants qu'ils ne le sont (car tout est surligné à outrance), et surtout, dès qu'une séquence dialoguée intéressante s'entame, elle est rapidement éjectée. Quand Volodya essaie de parler de Dieu, de son inquiétude, de sa croyance aux anges, tout cela aurait pu donner des choses vraiment intéressantes, mais le réalisateur n’en fait rien, il éjecte le tout, ne prend pas le temps de s'intéresser à cela et c'est dommage. Et si encore il y avait beaucoup de non-dit, si le réalisateur voulait nous faire ressentir des choses qui ne peuvent s'exprimer... Mais à nouveau, il n'en est rien. L'invisible dont parle Godard dans une oeuvre de Cinéma, ici, je ne l'ai pas trouvé, peut-être est-ce ma faute je le conçois, mais c'est tellement superficiel ! Et finalement, ce gamin n'apporte que peu au film, et c'est dommage.


Mais l'énorme problème du film, avec la mauvaise construction de ses personnages, c'est sa réalisation outrancière. Le film va trop vite, beaucoup trop vite, jamais le réalisateur ne prend le temps, il ne pose jamais sa caméra, presque aucune scène ne s'étire vraiment, tout se succède, tout n'est que fragments dénués de liants, et forcément, le spectateur que je suis s'est trouvé incrédule face à l'oeuvre. Même des scènes qui auraient pu être bonnes, comme celle où Volodya qui fait semblant de se droguer pour obtenir un baiser de Lilya, sont finalement ratées. Ratées car à nouveau, il ne prend jamais le temps, il éjecte le tout. Alors, je comprends que ce style de mise en scène est certainement mis au service de l'histoire qui nous est contée, mais je trouve ça dommage... Ça manque tellement de finesse, et il n'y a pas de prouesse cinématographique pour gommer cela. Il y a des scènes qui sortent du lot (je pense à la scène de prière de Lilya après sa déception de ne pouvoir accompagner sa mère aux Etats-Unis), mais elles sont beaucoup trop rares. Le film n'est pas film dans son entièreté et c'est ce qui m'a le plus dérangé ; des fragments, seulement des fragments ! Et c'est tellement grossier, tellement vulgaire même... Si certains films, assumant leur tonalité grossière, arrivent à me pénétrer (la fin de The House that Jack Built de Lars von Trier par exemple, une fin pour le moins grossière, peu fine, et pourtant assez magnifique, car tellement sensée), ici ce n'est pas le cas, tout a l'air gratuit. Même les scènes de sexes sont grossières... Il n'y a pas d'érotisme ; et les scènes de sexes avec la Lilya prostituée me semble tellement artificielles, elles ne sont ni crues, ni violentes, elles ne sont pas cinématographiées mais seulement filmées. Alors oui, parfois ça sert la narration du film, mais c'est tellement surligné, à nouveau, tellement mal filmé (le fameux gros plan sur son visage pendant l'acte sexuel pour nous montrer toute sa souffrance), c'est surfait, prévisible, presque académique. Mais surtout, c'est mal fait ; certains films peuvent être très académiques, prévisibles, tout en sachant filmer, mais ici, ça semble tellement misérabiliste, le discours est tellement convenu derrière une mise en scène qui ne suit pas... Pour avoir vu récemment Adua et ses compagnes, magnifique film qui parle aussi de prostitution, on voit l'écart ; alors oui la comparaison n'a rien de pertinente, mais dans le film de Pietrangeli, jamais il ne sombre dans un misérabilisme outrancier (au contraire, il y a une certaine tonalité comique derrière ce film pourtant pessimisme), on s'éloigne des lieux communs, et surtout, on sait de quoi nous parle Pietrangeli... Car au fond ici, de quoi nous parle véritablement le réalisateur ? De cette amitié salvatrice entre Lylia et Volodya dans ce monde si dur de la prostitution ? Certainement, mais ça ne prend tellement pas... En voyant ce film, je n'ai pas eu l'impression de voir du cinéma, mais de voir un film contant une histoire, et qui plus est, en la contant mal. Même la séquence du suicide, je l'a trouve moyenne, encore une fois je n'y ai rien ressenti, le film sombre en plus dans un symbolisme tellement grossier qu'il en devient insupportable. J'aime le symbolisme au Cinéma, mais il faut qu'il y ait une certaine finesse derrière pour ne pas sombrer dans une certaine lourdeur, et surtout, une certaine vacuité.


Je suis peut-être un peu dur avec ce film, tout n'est pas à jeter, ce n'est pas un film exécrable non plus, mais bon, j'ai vraiment détesté, je l'ai trouvé prétentieux et vain. Typiquement un cinéma que je n'aime pas - mais que je peux aimer quand de grands réalisateurs sont derrière. Refn, dans ses Pusher par exemple (même si les sujets sont éloignés) arrivent à me toucher et il y a quelques rapprochements je trouve entre ce film et la trilogie Pusher, certains éléments cinématographiques, et certains milieux proposés.


Je suis sans doute passé à côté de choses intéressantes, je le reconnais. Mais j'ai malheureusement trouvé le film indigeste.

Reymisteriod2
3
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le 7 janv. 2020

Critique lue 259 fois

Reymisteriod2

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