Allez comprendre !... C’est souvent sur le terreau d’un sujet grave - la mort, par exemple, sujet grave par excellence - que prend naissance la comédie, sans doute par un effet de rééquilibrage instinctif. L’adaptation filmique du premier volume de la BD « Les Vieux Fourneaux » (« I. Ceux qui restent ») ne déroge pas à cette règle : une mort, celle de Lucette, femme d’Antoine (Roland Giraud), réunit l’endeuillé avec ses deux amis d’enfance, Pierrot (Pierre Richard), activiste parisien de plus de quatre-vingts ans et saboteur du capitalisme, et Mimile (Eddy Mitchell), qui achève ses jours dans une maison de retraite après avoir parcouru le monde. Mais une lettre, vieille de plus de cinquante ans, trouvée par son époux dans les papiers de la défunte, lance le jaloux sur les routes, armé d’un fusil et bien décidé à exterminer son ancien rival, qui plus est ancien patron. Aussitôt à ses trousses, bien entendu, ses deux anciens copains...
Ce premier long-métrage de Christophe Duthuron, scénarisé par Wilfrid Lupano, auteur de la BD, entremêle gaillardement plusieurs thématiques, qui interagissent avec vigueur et bonhomie : la vie de village et les rancunes de clocher, s’enracinant dans la Grande Histoire ; le syndicalisme, son intransigeance, mais sa solubilité dans le confort ; l’amitié virile et les femmes ; l’inégalité face à l’âge, pouvant venir réparer malicieusement une inégalité sociale...
Le film peine un peu à trouver son rythme, malgré le grand Pierrot qui semble s’évertuer d’autant plus qu’il perçoit autour de lui une certaine inertie ; sa prestation, toutefois, sauve ce premier temps, tant il est réjouissant de le voir manœuvrer son friable bolide comme s’il se prenait pour le sombre fou du volant de « Satanas et Diabolo », qui en a diverti plus d’un. Le tempo s’installe davantage et devient plus naturel, une fois mise en place la grande confrontation, qui dévoile une certaine nostalgie dans le regard porté sur le grand âge. Henri Guybet livre d’ailleurs sur ce terrain une prestation pleine d’humour et de tendresse.
Christophe Duthuron signe donc ici, en tant que réalisateur, un premier film qui se bonifie plutôt au fur et à mesure de son avancée, et qui réjouira les adeptes du Grand Blond, dans une composition ici particulièrement énergique.