Cuisine au woke

Un thriller social mis en scène par Steve McQueen ("12 Years a Slave"), scénarisé par l'auteur de best-sellers Gillian Flynn ("Gone Girl", "Dark Places", "Sharp Objects", tous adaptés au cinéma ou à la télévision), remake d'une série anglaise des années 80 signée Lynda La Plante, voilà qui était franchement excitant sur le papier.

Mais à l'issue du visionnage, la déception n'est pas loin, à peine atténuée par la satisfaction d'avoir assisté à un divertissement efficace et bien réalisé.
En revanche, la subtilité et la profondeur espérées ne sont pas au rendez-vous, "Widows" apparaissant plombé par plusieurs défauts gênants.

La principale lacune concerne l'écriture des personnages, en particulier les quatre héroïnes, dont au moins la moitié souffrent d'un manque d'épaisseur psychologique - celles incarnées par Michelle Rodriguez et Cynthia Erivo, réduites chacune à un ou deux traits de caractère.
La charismatique Viola Davis, véritable héroïne du film, et la longiligne Elizabeth Debicki, autre archétype mais bénéficiant au moins d'une évolution au cours du film, sont un peu mieux servies.

Mais on ne s'attache pas viscéralement à leur sort, en raison notamment d'un temps de présence à l'écran trop limité, McQueen et Flynn ayant choisi de multiplier les personnages secondaires, de sorte que nombre d'entre eux sont simplement survolés.
On se retrouve donc paradoxalement face un casting monstrueux (Liam Neeson, Colin Farrell, Robert Duvall, Carrie Coon, Jon Bernthal, Garret Dillahunt, Jacki Weaver...), dans lequel chacun doit se contenter de miettes - le film n'excédant pas 2H.

Par ailleurs, on pouvait espérer une plus grande finesse d'analyse de la part de Steve McQueen, dont le regard sur la société américaine semble se résumer au courant de pensée "woke", c'est à dire la conscience des injustices et du système d'oppression qui pèsent sur les minorités.
Par conséquent, les femmes sont forcément des victimes dans "Widows", tandis que les hommes sont presque tous des salauds.
L'oppression raciale est également illustrée avec insistance, même si un ou deux contre-exemples (le méchant joué par Daniel Kaluuya) viennent atténuer le constat.

Enfin, le premier polar de la carrière de Steve McQueen comprend quelques facilités étonnantes à ce niveau, rappelant davantage l'écriture télévisuelle que la rigueur scénaristique des plus grands films de casse.
Heureusement, "Widows" apparaît irréprochable sur le plan formel, comportant quelques belles idées de mise en scène, comme cette conversation en voiture filmée depuis l'extérieur.
Mais l'ensemble reste trop moyen au regard des attentes initiales.