Au tout début du film, il y a ce logo qui apparait et qui raconte déjà toute une histoire ; voire toute une ambition.
Blagbuster.
Blagbuster c’est la boîte de prod’ qui, en 2009, a rendu l’aventure du Palmashow possible sur le net. C’est y compris elle qui, en 2015, a participé au passage du duo Marsais et Ludig vers le grand écran avec La folle histoire de Max et Léon
…Et c’est donc encore elle qu’on retrouve derrière ces Vedettes.


Nommer cette boîte Blagbuster n’a pour moi rien d’anodin.
Ce nom traduit à mes yeux l’envie qu’il y avait depuis le départ de cette structure de se donner les moyens de faire de la vraie bonne comédie ; de l’humour qui met les formes ; de la blague qui joue dans la cour des grands…
…Et c’est d’ailleurs pour ça que – quand bien même leur humour ne me parle pas trop – je ne peux pas m’empêcher d’accueillir chaque tentative du Palmashow avec une certaine bienveillance et une réelle sympathie.
Ces deux gars aspirent concrètement à tirer le cinéma comique vers le haut et c’est le genre de démarche auxquelles je ne peux que rester sensible…
…Mais bon, le problème c’est que – comme je le disais plus haut – leur humour ne m’a jamais vraiment parlé et, malheureusement, ces Vedettes n’y ont pas coupé.


Alors certes, sur le papier je n’aurais pas grand-chose à reprocher à ce second long-métrage porté sur les grands-écrans par le Palmashow.
On sent que Jonathan Barré – le réalisateur attitré du duo (et coscénariste avec Marsais et Ludig) – a voulu faire les choses bien.
C’est globalement propre. Parfois même on sentirait presque quelques références ne serait-ce que dans la manière de composer certains cadres… (Pour ma part je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Jackie Brown sur certains plans de parking ou bien à Little Miss Sunshine concernant certaines scènes dans le van.)
Idem, le scénario évite les pièges classiques de ce genre de remplissage auquel pas mal de comédies mal écrites se livrent souvent. Combien de fois a-t-on vu un film enfiler de manière fort gênante les gags ponctuels totalement déconnectés de l’intrigue principale histoire de combler les vides et les trous d’air ?
Ici, rien de tout ça : chaque situation comique se pense inscrite comme un tout, racontant un ensemble, dressant un univers…
Seulement voilà, s’il est évident que la qualité de l’exécution est essentielle à la réussite d’une bonne comédie, force m’est de constater avec ces Vedettes que ce n’est manifestement pas suffisant…

…En tout cas pas suffisant pour moi.


L’air de rien, ce n’est pas évident d’expliquer pourquoi on ne rit pas à une blague ou à une comédie. Et d’ailleurs souvent on a tous plus ou moins tendance à évacuer le problème d’un simple « ce n’est pas mon genre d’humour… »
Alors certes l’affirmation n’a en soi rien d’impertinente mais je trouve qu’elle nous empêche de vraiment creuser ce qu’est notre humour – celui qui nous fait marrer – et surtout ce qu’est cet humour qui manifestement nous laisse désespérément inerte.
Concernant le Palmashow – et notamment ces Vedettes – j’étais au départ tenté de croire que mon principal problème tenait à un vrai manque de densité ; à cette incapacité à maintenir une vraie tension comique sur l’ensemble du long-métrage, mais avec le recul je me rends compte que ce n’est pas que ça.
…Enfin, « pas que ça » mais « ça » aussi !


Parce que oui, voir ces Vedettes c’est quand-même visionner une histoire qui peine clairement à se lancer.
Il faut presque une heure à ce long-métrage pour arriver à cette situation que la bande-annonce a présenté comme le vrai grand point de bascule de l’intrigue… (Oui oui. Vous avez bien lu : presque une heure, sur un film qui en dure moins de deux !)
…Et pour le coup ce serait vraiment se tromper de cible que d’incriminer la bande-annonce d’en avoir trop dit car à bien considérer l’ensemble du film, difficile de considérer que l’intrigue soit vraiment lancée avant d’arriver à ce moment où les deux héros se retrouvent sur les plateaux de télé.


Dès lors, partant de ce constat-là, on ne peut que voir un problème dans cette façon dont le film se lance, ou plutôt dans la manière dont il se raconte.
Présenter les personnages et leur situation est beaucoup trop long. De la même manière, ce choix de scénario qui a consisté à faire suivre aux deux héros un cheminement progressif qui les pousse à passer le pas m’apparait avec le recul totalement inadapté.
Daniel et Stéphane ne sont pas des gens qui vont tomber dans la télévision. Ils sont déjà tombés dedans depuis qu’ils sont petits.
Le pire c’est que le film dispose déjà à l’écran les éléments nécessaires pour nous faire comprendre les choses ainsi. Au boulot, à la maison, comme dans les EHPAD, les télés sont partout. Elles sont un horizon pour nos héros.
Les faire cheminer vers la télé est une perte de temps. C’est le cheminement au sein du monde de la télé qui constitue leur véritable aventure.
Pas besoin d’une heure d’installation pour comprendre les mécaniques de conditionnement qu’entretient le monde de la télé…


Donc oui, il y a bien dans ce film-là à la base un vrai problème de densité à mes yeux. Si celui-ci avait commencé dès le départ au sein des castings d’émission et avait relégué la situation des deux héros en une périphérie qu’on découvrait au fur et à mesure de leur baroud, je pense que ça aurait forcément gagné en punch et en tension…
…Seulement voilà, acter un tel choix aurait dès lors nécessité bien plus de matériau comique pour tenir l’heure-et-demie fatidique d’un long-métrage. Or j’ai l’impression que par rapport à ça, Ludig et Marsais n’avaient pas grand-chose en besace et qu’ils entendaient bien faire l’essentiel de leur film autour de cette seule chanson qu’ils nous martèlent en permanence faute d’en avoir d’autres à nous proposer…
…Tout cela est bien léger ma foi pour qui prétend mettre les moyens d’un « blagbuster ».


Mais de manière plus générale, je pense néanmoins que ce problème de manque de densité est en fait bien plus une conséquence qu’une cause première de cette absence d’efficacité globale.
Car oui, pour moi le souci que j’ai avec l’humour du Palmashow est davantage structurel et tient au fait que, depuis le départ, ils ont toujours joué la carte d’un humour qui s’est voulu consensuel.
Ah ça ! Dans ces Vedettes comme dans tout le reste, les cibles sont toujours faciles, évidentes, politiquement correctes.
Or il est pour moi fondamental quand on fait de la comédie – surtout sur un long métrage – de savoir manier une certaine forme d’ irrévérence
…Une irrévérence qui colle bien à son temps.


Le rire, par essence, est un soulagement de tension. Il faut donc tendre dans un premier temps, puis détendre ensuite dans un second.
Ça passe d’abord par cette recherche de la petite bête – cette mécanique sociale qu’on identifie tous mais qu’on ne verbalise jamais vraiment – et sur lequel le film doit mettre le doigt avant de désamorcer le tout par un geste comique qui rappelle à l’absurdité de cette tension.
Cette tension, ça peut-être la condescendance qu’on a tous l’égard de celui qu’on croit plus bête que nous comme c'est le cas dans Le diner de cons de Francis Veber. Ça peut être la nécessaire et difficile cohabitation avec une belle-famille bien éloignée de ses mœurs comme c’est le cas dans Mon beau-père et moi de Jay Roach. Ou bien ça peut carrément être les tabous, incompréhensions et tensions communautaires qui taraudent la société française comme c’était le cas dans les Aventures de Rabbi Jacob de Claude Zidi…
…Et le problème dans ces Vedettes c’est que la petite bête ici choisie est quand-même assez basique puisqu’il s’agit de la télé-poubelle.
…Or quelles tensions y-a-t-il aujourd’hui dans le fait de considérer que la télé ce soit de la merde ?


Il y a dans les choix opérés par le trio Ludig / Marsais / Barré une vraie stratégie pour éviter de se rapprocher à moins de trois mille parsecs d’un champ de mines…
…Car plus que de la critique de la télé d’aujourd’hui, c’est d’ailleurs bien plus une critique de la télé d’hier à laquelle se « risque » ici notre collectif d’humoristes.
Le Juste Prix c’est quand-même un symbole de la télé des années 80-90. Et si On connait les paroles est certes une émission qui est plus d’actualité, elle reste quand-même cette émission de service public qui est dans le droit esprit d’un animateur qui en occupe les arcanes depuis presque trente ans et tout cela pour offrir les sempiternelles mêmes émissions.
D’ailleurs, autant que le sujet, c’est aussi la manière d’aborder ce dernier qui reste aussi finalement assez sage et superficielle.
On ne creuse pas vraiment. On ne cherche pas trop à être corrosif. On sent que le spectacle proposé aspire absolument à rester dans les bornes du très politiquement correct, au point même qu’il en devienne presque stupide, voire méprisant malgré lui.


Car le souci qu’il y a à vouloir rester en surface des choses, c’est que la satire y perd forcément en subtilité. Ainsi l’absurde censé désamorcer la tension se réduit régulièrement à n’être que de la moquerie bas-du-front.
Or, dans l’humour du Palmashow, je trouve que ça se traduit souvent à l’écran par le fait de dresser au final des personnages qui n’ont rien d’intéressant, qui sont profondément antipathiques, et dont on n’a pas envie de suivre les pérégrinations car aucun n’est à sauver.
Quand je regarde Mammuth par exemple, je vois certes aussi de la moquerie à l’égard des personnages, mais celle-ci est contrebalancée chez Kervern et Delépine par une infinie tendresse vis-à-vis de ces bons bougres. Certes Serge et Catherine sont parfois un peu patauds voire un même peu cons-cons parfois, mais ce sont des gens vrais, simples, aimants et aimables.
Idem, dans le Dikkenek d’Olivier von Hoofstadt, il y a beau n’y avoir que des têtes-à-claques dans le lot, il se trouve qu'au final certains sont juste des grandes-gueules pas méchantes quand d’autres sont même carrément des gentils un brin timides. (A bien y regarder d’ailleurs, la seule vraie pourriture dans cette histoire c’est Claudy Faucan et l’intrigue finit vite par s’en désintéresser…)
Et que dire du duo Bourvil / de Funès dans La grande vadrouille par exemple ?! Certes de Funès incarne une caricature de bourgeois insupportable quand Bourvil joue le prolo un peu nouille, mais l’alchimie fonctionne parce qu’il y a une cause commune qui les oblige à s’entraider et qui fait que chacun finit toujours par se révéler solidaire et essentiel à l’autre.
Or, là, dans ces Vedettes, il faut quand même du temps pour essayer de sauver quoi que ce soit de Daniel et de Stéphane. Ils sont juste cons et égoïstes. Rien ne les élève jamais. Rien ne les révèle jamais. (Même la fin demeure très poussive là-dessus…)
Du début jusqu’à la fin ce ne sont que des gosses méprisants, attardés, persuadés qu’ils valent plus que ce qu’ils ne valent. Ce sont des beaufs. Il n’y a rien à sauver chez eux…
…Et le pire c’est que je trouve qu’il y a dans ce portrait peu flatteur un peu de cet esprit-là dans la manière dont le Palmashow traite ses spectateurs.


Alors attention je ne dis pas que les compères Ludig et Marsais nous voient comme des « Simplement Dan ». Par contre je les trouve assez condescendants dans leur humour.
C’est simple. C’est évident. C’est parfois surligné au cas où si on n’avait pas compris…
…Et puis au fond la forme globale du film traduit un peu de ça aussi. D’accord c’est globalement propre mais ça n’a pas de génie non plus. Ça pose des lieux sans poser d’atmosphère. Ça ne parle pas au-delà des mots. C’est juste de l’illustration… Et quand il y a un détail visuel à percevoir on nous met bien le nez dessus histoire d’être sûr qu’on a bien grillé l’intention…
Ç’en est à un point où je me demande si les clins d’œil malins dont je parlais au tout début de ma critique ne sont pas juste du pompage peu inspiré et rien de plus…


Dès lors, quand je considère tout ça et que je repense au logo de Blagbuster d’introduction, je me demande vraiment si en fin de compte les compères Ludig et Marsais ne se seraient pas tout simplement trompés de chemin.
Vouloir mettre des moyens pour donner à leurs comédies les oripeaux des plus grandes c’est certes louable, mais l’humour n’est pas qu’une question de moyens financiers.
A un moment donné, l’audace, elle passe aussi par l’écriture. Or passer sur grand-écran, c’est aussi apprendre à voir les choses en plus grand aussi sur ce qu’on dit et sur ce qu’on cible.
Or – et c’est finalement assez triste que d’avoir à faire ce constat – mais moi je trouve qu’en terme d’humour, Les Vedettes ça reste du très petit écran, pour ne pas dire parfois de la simple lucarne de téléphone portable.
J’espérais de la densité et de la tension et j’ai au final eu de la superficialité et du lag dans le tempo.
J’espérais de l’absurde, j’ai eu de la moquerie.
J’espérais du grand et je n’ai donc eu que du petit.


Mais pas grave…
J’y crois encore un peu…
En fait je pense que le Palma’ a vraiment besoin d’élargir ses horizons pour grandir encore.
Se rapprocher de Quentin Dupieux a été une bonne tentative en soi même si à mes yeux ça n’a pas vraiment porté ses fruits (…à part des bananes. Celles et ceux qui ont vu Mandibules comprendront.)
…Reste donc à voir qui, au sein du cinéma comique français, sait encore voir grand pour être en mesure d’élargir l’horizon de ces deux auteurs riches d’ambition…

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le 19 févr. 2022

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