Duo atypique dans l'humour français, Grégoire Ludig et David Marsais dit le Palmashow ont rapidement su s'entourer de membres actifs au fil du temps, que ce soit le compositeur Charles Ludig, le réalisateur Jonathan Barré ou une troupe d'acteurs récurrents (Julien Pestel, David Salles, Thomas VDB, Marion Creusvaux, Aude Gogny-Goubert, Laure Falesse ou Sixtine Aupetit). Après la scène, la radio et la télévision, il était inévitable de voir le Palmashow au cinéma et c'est ainsi qu'était arrivé La folle histoire de Max et Léon (2016). Une comédie en pleine Seconde Guerre Mondiale alignant les guests jusqu'à plus soif (dont Totof Lambert qui les avait aidé à une période). Si le succès fut au rendez-vous (1,2 million d'entrées), le film aussi sympathique soit-il avait néanmoins la tare de ressembler à une enfilade de sketchs avec à peine un fil rouge pour lier le tout.


La logique aurait voulu que la bande fasse un second film dans la foulée. A la place les deux acteurs ont joué dans divers films (dont Mandibules de Quentin Dupieux et Adieu les cons d'Albert Dupontel) et l'équipe a fait quelques programmes pour le groupe TF1. Les Vedettes a également mis du temps à se faire par manque d'inspiration. Le duo a écrit un traitement autour de la super consommation se déroulant dans un centre-commercial, mais comme il l'évoquait au magazine Cinemateaser (*), Barré n'a pas été très convaincu. En revanche, ce dernier avait vu quelques temps plus tôt un documentaire sur un homme qui avait mémorisé les prix des produits dans la version américaine du Juste prix, au point de remarquer que des lots revenaient régulièrement. Barré, Marsais et Ludig partent alors de là pour écrire leur script durant le confinement avant un tournage fin 2020.


Contrairement à Max et Léon, Les Vedettes est volontairement un film sans guests, y compris pour le présentateur vedette (même s'ils avaient tout de même proposé le rôle à un acteur connu). On retrouve les copains du Palmashow dans des rôles spécifiques ou en petites apparitions, mais cela s'arrête là.


Les émissions parodiées sont évidentes, mais on croise aussi quelques petites allusions ici et là. Le "Pile pile ? Poil" n'est pas sans rappeler le "Bipbip" de Vincent Lagaf et le présentateur acteur à ses heures renvoie directement à un présentateur de la première chaîne (le genre à prendre une grosse voix en roulant des mécaniques quand il joue les flics). La mécanique est à peu près la même que les jeux originaux, même si dans le cas du jeu musical, la formule est plus raccord à la première version de N'oubliez pas les paroles. Les spectateurs ayant connu ces jeux reconnaîtront certains trucs, les autres se contenteront de s'amuser de la mécanique bien huilée de ces programmes.


D'autant que le film dézingue bien les castings où l'on cherche le cas atypique, avec si possible l'anecdote croustillante qui va avec (l'employé du mois ; le chanteur qui ne veut plus chanter, mais on va quand même insister pour avoir la perle rare). Y compris le recyclage de candidats pour des projets beaucoup moins reluisants.


Si Les Vedettes vise juste dans sa satire de la télévision (Pestel est parfait en producteur cynique avec le sourire jusqu'aux oreilles), il est aussi et surtout un buddy movie sur deux mecs naïfs essayant de s'en sortir et qui voit en la télévision le moyen possible. Des personnages pris pour des dindons de la farce quasiment tout le temps, même celui qui pense avoir les clés du succès. Chacun a des rêves illusoires (Daniel croit qu'on l'a pris dans Et tu chantes chantes pour ses talents de chanteur ; Stéphane pense en vain qu'il va avoir un poste de manager depuis quatre ans) et il faudra du temps avant qu'ils ne comprennent que l'union fait la force.


Les Vedettes a également une dimension sociale importante, rappelant souvent Les trois frères (Bourdon, Campan, 1995). Daniel (Ludig) a des problèmes de succession et va bientôt pointer au chômage, en plus d'avoir son lot de névroses (il ne veut plus chanter car personne ne croit en lui). Stéphane (Marsais) cumule tellement d'achats et de prêts qu'il est dans le rouge, malgré son emploi stable. Il habite même dans une maison pavillonnaire à peine moins banale que les autres qui l'entourent. On sent l'affection des auteurs pour ces personnages bouffés par à peu près tout et essayant tout de même le tout pour le tout.


C'est là qu'intervient Charles Ludig. Déjà auteur des parodies musicales des sketchs (dont le sublime Derrière leurs voix), Ludig orchestre d'abord Je vous like s'inspirant clairement du style d'un candidat à l'Eurovision, avant de signer l'imparable Besoin de chanter. Si la première chanson est clairement une parodie, la seconde n'en est pas du tout une, correspondant parfaitement à ce qu'est Daniel. Evidemment, on pensera certainement à des chansons spécifiques (Ludig citait volontiers à Cinemateaser Daniel Balavoine, Jean-Jacques Goldman ou Johnny Hallyday), mais la chanson a son identité propre, ce qui change un peu des précédents titres phares du Palmashow. D'autant que le clip est génial, jouant d'un amateurisme terrible (les fameux soucis techniques) tout en étant sincère et à l'image des personnages. Puis il faut voir Ludig en costume de cowboy et Marsais avec son saxophone magique.


Enfin, contrairement à son aîné, Les Vedettes n'est pas un film à saynètes comiques. Il a une histoire concrète et a même droit à des plans inaugural et final qui se répondent (jusqu'au lieu même), formant ainsi une boucle digne de ce nom. Les Vedettes est donc une comédie convaincante, où la bande du Palmashow joue sur ses acquis (ses parodies pour la télévision et internet), tout en allant vers une dimension sociale crédible et cohérente. Un bon deuxième film.



  • Voir Cinemateaser numéro 109 (février 2022).

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le 14 févr. 2022

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