Avec Les Temps modernes, Chaplin aborde des thèmes toujours d’actualité, tels que le travail à la chaîne ou bien encore l'industrialisation de la société. L'œuvre est clairement en avance sur son temps, ce qui est paradoxal puisque le film se refuse (presque) à employer le parlant, qui était pourtant largement démocratisé en 1936. Mais comme on dit, c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe.
La première partie dans l'usine est certainement la plus connue, et aussi la plus réussie. Chaplin a parfaitement compris quels sont les problèmes du travail à la chaîne et les tourne en dérision de manière très juste. Tout y est exagéré, jusqu'à l'usine elle-même, qui contient des machines improbables composées de grands engrenages et d'une multitude de boutons et de leviers. La bande-son (spécialement composée pour le film, rappelons-le) ajoute une couche de folie douce en faisant correspondre action et musique.
On peut noter que le directeur de l'usine est le seul personnage ayant le droit à parole et il utilise ce don uniquement pour donner des ordres aux ouvriers ou exiger une plus grande productivité. De plus, il a la fâcheuse manie de surveiller ses employés au moyen d'écrans géants montrant son visage : le réalisateur aurait-il inventé Big Brother 13 ans avant George Orwell ?
La suite du film se fait moins fantaisiste. Le long-métrage dénonce les conditions de vie des ouvriers après la crise de 1929 et s'attaque au rêve américain de manière plus subtile. Le côté burlesque passe au second plan, les gags deviennent un peu plus sporadiques, ce qui est un peu dommage quand on voit la frénésie des 20 premières minutes (même si c'est probablement voulu par Chaplin). Le film explore un côté plus dramatique, qui finit pourtant sur une note d'espoir, ce qui est entièrement exprimé par le changement d'attitude du personnage de Paulette Goddard.
Les Temps modernes était un pari risqué mais finalement réussi pour Charlie Chaplin. Il offre à son personnage de vagabond son dernier tour de piste dans un film engagé qui finira au panthéon du septième art.