Dans les pas d'André Bazin et de sa caméra stylo qui lançait l'idée d'une révolution cinématographique qui se dégagerait du formalisme du cinéma de l'époque, et qui ferait appel à un art engagé, c'est bien François Truffaut avec son texte critique Une certaine tendance du cinéma français qui lança la nouvelle école critique de jeunes et audacieux branleurs. Une école plus couramment dénommée Nouvelle Vague.
Moi, j'ai une certaine tendance à détester ces œuvres produites par ces cinéastes presque insolents, à vouloir intellectualiser cet art de façon saugrenu en brisant les codes établis par leurs aînés. Et si je n'adhère pas particulièrement aux œuvres de Godard, Rohmer, Chabrol ou Rivette, je dois avouer que Les Quatre Cents Coups est une véritable réussite, et à mes yeux la plus belle oeuvre de ce mouvement.
Il s'inscrit comme l'un des premiers films du mouvement (sauf exceptions), et il en a tous les traits. Truffaut filme la capitale telle une captation de la réalité, afin de rendre son film le plus réaliste possible contrairement à d'autres réalisateurs qui abusent de l'incohérence esthétique et du narcissisme autobiographique comme gage d'authenticité artistique. Ici, nous avons une fiction, un film d'auteur, aux allures autobiographiques mais qui ne l'est pas. Si le jeune Antoine Doinel ressemble à l'adolescent turbulent que Truffaut fut, ses parents ne ressemblent absolument pas aux siens qui furent soit-disant excellents.
Ce qui m’agace quand je regarde une œuvre de La Nouvelle Vague, c'est son sur-jeu ou non-jeu permanent dans un univers peu crédible, où le scénario ne raconte presque rien. Or, dans ce Paris noir & blanc, les thèmes de l'amour, la drague, la jeunesse et leur ennui sont habilement mélangés. Ici Antoine, représentant de cette génération, est au centre de l'histoire. Puis Truffaut s'est donné la peine d'écrire un scénario poussé et intrigant.
Nous suivons cette jeunesse perdue à travers ce garnement assidu à l'école buissonnière, prêt à fuir à tout prix cet appartement et cette école aux aspects carcéraux. Avec René, Antoine fera les quatre cents coups, pour essayer de trouver sa place dans la société pendant une débâcle parentale. Cette aventure est tout à fait passionnante, car ne s'enferme pas dans un genre unique comme dans les œuvres des décennies précédentes : On rit et on partage le mal-être de cet enfant perdu, bercé par la mélancolie du réalisateur. Les journées de branleurs que se fait Antoine sont la clef d'une véritable transmission de bonne humeur. On partage tout avec lui, et on le comprend ce petiot qui n'a que le vol comme remède de l'angoisse.
Malgré quelques bizarreries déconcertantes, comme quand René se fait choper après avoir fumé et picolé comme un gangster avec Antoine par son père qui ne dit rien, le film dispose d'une réflexion sociale de maturité surprenante. En effet, on a là un véritable témoignage d'une ascendance en manque de repères, déboussolée par cette société d'après-guerre et qui ne sait pas quoi faire pour mener à bien sa vie. Le quotidien et les préoccupations du jeune Antoine illustrent parfaitement ce problème.
Sur la forme, Les Quatre Cents Coups ne manque pas de scènes fortes, il n'y a qu'à voir la scène amère où notre héros quitte la capitale en admirant Paris comme pour la dernière fois. François Truffaut est avant tout un critique, mais tout ceci montre bien qu'il a du talent aussi en pratique et qu'il n'a pas volé son prix de la meilleure mise en scène au Festival de Cannes.
Quand aux dernières scènes, elles sont également merveilleuses, la séquence de témoignage d'Antoine est évidemment le témoignage de sa génération de sacrifié, et on ne peut qu'être heureux de le suivre dans cette ultime escapade vers la mer. Et finir en brisant le quatrième mur, pour un regard émouvant disant "Mais que vais-je donc faire de ma vie ?", cela montre bien que La Nouvelle Vague, ça peut être bien, si on ne la pousse pas à son paradoxe, voire très bien.