Deux ans après A History of Violence, David Cronenberg s'aventure à nouveau dans le film de gangsters pour y évoquer la mafia russe basée à Londres.


Ici il va surtout s'intéresser à deux personnages, une sage-femme aux origines russes et un chauffeur de la mafia, dans un scénario classique mais bien ficelé, où il va peu à peu dévoiler les zones d'ombre se cachant derrière les protagonistes. Tout en dressant des portraits plutôt troublants, il place au milieu de ce monde violent la sage-femme, comme un ange à l'âme pure qui viendrait survoler les enfers.


Sans que ce soit primordial dans l'œuvre, il évoque quelques thématiques générales comme l'humain, ce qui se cache en lui et ce qu'il aspire à être, tout en mêlant la violence, la souffrance, les pulsions ou encore le sexe. Il prend plutôt son temps pour mettre en place les rouages de son récit, sa caméra est posée, il se livre à peu d'excès d'hémoglobine comme il savait le faire, et ça fonctionne, car il instaure une atmosphère prenante, qui ne manque pas de tension dans les moments-clés.


L'apparence froide de l'œuvre, tant dans le fond que les décors, révèle une vraie richesse, tant dans l'écriture que la tragédie que le cinéaste canadien met en place. Son étude de l'humain n'est jamais lourde, bien au contraire, et fait corps avec le récit, que ce soit dans l'évolution des personnages ou les liens qu'ils vont avoir entre eux. Il ne cherche pas à pointer facilement du doigt la mafia mais laisse parler son sujet, surtout quand l'étau se refermera peu à peu sur l'un d'eux. Il n'oublie pas s'intéresser à la profondeur et les sentiments, qu'ils soient complexes ou simples.


Il trouve toujours le bon équilibre, ne sacrifiant jamais ses thématiques aux profils de l'avancement de l'histoire ou vice-versa. Il se montre souvent inspiré, que ce soit derrière la caméra ou dans sa façon de jouer avec les codes classiques du genre et de surprendre avec un scénario (tout comme les dialogues) bien ficelé et efficace.


Le cadre de ce Londres hivernal est passionnant et surtout très bien exploité, il nous y immerge dès les premières minutes tandis qu'il met en place une ambiance de plus en plus obscure, brute et donc troublante. On retrouve une économie de plan et une photographie léchée similaire à A History of Violence, alors que le canadien, ici très sobre, trouve toujours le bon rythme et sait prendre son temps lorsqu'il le faut, notamment pour imprégner le récit des relations père-fils ambiguës.


En signant Les Promesses de l'Ombre, David Cronenberg se montre inspiré alors qu'il s'attaque à nouveau au film de gangsters lui permettant de privilégier la dramaturgie dans un cadre londonien hivernal et tragique.

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le 26 juil. 2018

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Docteur_Jivago

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