On se remet très lentement du choc, de l'explosion de sensations qui découle de la contemplation de cet objet rare du cinéma, ce diamant noir plus baudelairien que baudelairien, cette méditation ahurissante sur la chair, la mort et le temps, plus proustienne que proustienne, ce vertigineux abîme où nagent les angoisses les plus inhumainement humaines, ce dépoussiérage électrisant du mythe éculé du vampire, cet humain plus qu'humain, cet égaré métaphysique que le trépas obsède au-delà du possible, au-delà du supportable : je veux parler de The Hunger, de Tony Scott, film hélas oublié dans les arcanes d'un cinéma sublimement décadent, sorti en 1983, jamais édité à ce jour en DVD en France, mais dont l'aura ténébreux hantera longtemps celui qui ose s'y aventurer. Un voyage qui mène au cœur d'un mystère, du plus grand des mystères : la quête de l'immortalité. Une question affolante s'agite sous nos yeux hypnotisés, résonne au fond de nos oreilles noyées de Bauhaus et de Ravel : quand un immortel meurt, que lui arrive-t-il ?

Tout, tout est abordé, toutes nos angoisses essentielles, toutes nos peurs, toutes nos plus atroces fascinations : l'amour, la mort, le saphisme, le deuil, l'éternité, la vieillesse, le plaisir, la souffrance... tout est étroitement lié, connecté dans une logique folle, absolument mimétique de la douloureuse complexité de la vie. David Bowie est splendide dans son incarnation crépusculaire d'un dieu-ténèbre, d'une agonie qui perd son sens et son sang, une icône, une fleur du mal à lui tout seul, accroché de désespoir à l'image scandaleusement imputrescible d'une Catherine Deneuve statuaire, ardente et glaciale, perverse et sensuelle, bouleversante et insaisissable, une veuve noire perpétuelle. Lui doit mourir, il dépérit à vue d'œil, se décompose littéralement, malade qu'il est de l'absurdité de leur condition, de l'ennui de leur destin. Elle, à la fois trop avide et paradoxalement blasée de sa jouvence éternelle, laisse s'entasser les momies de ses amours déchues, les amants et amantes qu'elle collectionne dans sa crypte céleste, nimbée d'une douce et langoureuse lueur infernale. Un fardeau qui finira par l'engloutir. The Hunger est une histoire d'amour, rien qu'une histoire d'amour. Un grand amour malade de ne pouvoir durer. Un grand amour qui jamais ne mourra...
TheScreenAddict
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes DVD et Putain ce plan déboîte ! Quadruple baffe esthétique dans la tronche !

Créée

le 6 août 2010

Critique lue 1.3K fois

27 j'aime

TheScreenAddict

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

27

D'autres avis sur Les Prédateurs

Les Prédateurs
TheScreenAddict
10

Critique de Les Prédateurs par TheScreenAddict

On se remet très lentement du choc, de l'explosion de sensations qui découle de la contemplation de cet objet rare du cinéma, ce diamant noir plus baudelairien que baudelairien, cette méditation...

le 6 août 2010

27 j'aime

Les Prédateurs
LeTigre
7

Une œuvre vampirique des temps modernes.

Pour un premier long-métrage en tant que réalisateur, Tony Scott s'est bien débrouillé pour commencer une solide carrière de cinéaste, même s'il a fallu du temps pour que la production soit reconnue...

le 17 sept. 2018

24 j'aime

24

Les Prédateurs
Watchsky
8

La fureur du sang

Début des années 80, Tony Scott décide de ressusciter le mythe du vampire en lui apportant un vent de fraicheur. Mondialisation oblige, il délocalise à New-York ces créatures à longues dents qui...

le 8 mars 2019

12 j'aime

3

Du même critique

Melancholia
TheScreenAddict
10

Monumental !

Jusqu'à présent, nous n'avions vécu la fin du monde au cinéma qu'à travers un nombre incalculable de films catastrophe, souvent outrancièrement spectaculaires, presque toujours issus des studios...

le 14 août 2011

147 j'aime

30

A Bittersweet Life
TheScreenAddict
10

Critique de A Bittersweet Life par TheScreenAddict

Administrateur impitoyable d'un grand hôtel de luxe pour le compte d'un patron de la pègre, Kim Sun-woo est un homme d'habitudes, un être de rituels, ivre de contrôle, réglant son existence à la...

le 13 mars 2012

110 j'aime

4

The Dark Knight Rises
TheScreenAddict
7

Critique de The Dark Knight Rises par TheScreenAddict

À en juger par la pléthore de critiques mitigées, voire franchement déçues, s'acharnant sur de soi disant défauts de construction et sur le caractère conventionnel du film, The Dark Knight Rises ne...

le 31 juil. 2012

63 j'aime

10