un polar nerveux, exceptionnellement filmé, et mis en musique

Une ville tentaculaire, la nuit. Un justicier solitaire qui tue des prostituées. Des flics et des juges corrompus. Une journaliste qui tente de faire éclater la vérité. Non, nous ne sommes pas dans le Quatuor de Los Angeles de James Ellroy, mais dans l’Iran de l’année 2001. Les Nuits de Mashhad est un polar nerveux, exceptionnellement filmé par le chef opérateur Nadim Carlsen, et mis en musique, encore plus exceptionnellement, par Martin Dirkov. Deux quasi-inconnus, mais qui travaillent avec le réalisateur, Ali Abbasi, depuis ses premiers films (Shelley, Border, et bientôt The Last of Us)…


Entre 2000 et 2001, le vrai Saeed Hanaei a voulu nettoyer la ville sainte de Mashhad en tuant 16 prostituées. Dans le film, on suit d’abord un personnage fictif, Rahimi (Zar Amir Ebrahimi), une journaliste qui tente d’imposer son enquête dans un monde d’hommes (journalistes, flics, et juges) extrêmement misogynes. Convaincue de la corruption des élites, elle pense que les autorités couvrent le meurtrier, qui fait à leur place un travail de « salubrité publique ».


C’est en tout cas ce que pense le meurtrier (Mehdi Bajestani, extraordinaire), maçon de son état, père de famille respectable le jour, mais tout à sa quête purificatrice la nuit.


Le film pourrait devenir ennuyeux dans cette partie, car il filme avec une certaine complaisance trois meurtres : un peu de hors champ n’aurait pas fait de mal. Mais le film bascule vraiment dans sa dernière partie, dans la description glaçante de l’environnement social et culturel dans lequel le tueur évolue. Ancien combattant, il bénéficie de la solidarité de sa famille, de ses amis, et de la population, contente que l’on débarrasse la ville sainte de ces droguées qui dévergondent les hommes. Les corrompus, on le voit, ne sont pas forcément ceux que l’on croit.


Contrairement à La Loi de Téhéran ou aux film d’Asghar Farhadi, le film n’a pas été tourné sur place* et n’a pas – c’est le moins qu’on puisse dire – l’aval des autorités iraniennes. Au contraire, elles ont dénoncé une tentative de déstabilisation de la France, qui a placé ce film en compétition à Cannes, et a récompensé son actrice principale**. Pour autant, le film est assez fin sur les implications politiques de l’affaire. Le gouvernement religieux ne peut pas laisser faire, mais il est pris en tenaille par la morale très rigoureuse qu’il a lui-même imposée. Comment s’en sortira-t-il ?


Il faut aller voir le film pour le savoir…


*Le film est tourné en Jordanie, pas la meilleure amie de l’Iran.


**C’est évidemment Mehdi Bajestani, le tueur, qui aurait dû recevoir un prix, mais on n’est jamais déçu par la Palme des Alpes Maritimes.


https://www.cinefast.com/?p=6058

ludovico
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le 15 juil. 2022

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