Le film commence par les retrouvailles de deux amants. L'homme laisse son épouse, frêle et malade, dans leur maison, parcourt quelques mètres dans la ville, où, en tant que notable connu, il salue les habitants qu'il croise. En s'engouffrant dans sa voiture, il sourit comme un enfant qui a un secret. Il met la radio ; ça y est : dans son auto qui démarre, il se sent bien protégé. Il s'agit de son monde, dans lequel il vient de pénétrer en quittant la société. Le tempo de la musique qu'il écoute révèle l'entrain avec lequel il se rend à son rendez-vous. Son trajet est filmé de l'intérieur de la voiture, la caméra est positionnée juste derrière le personnage. Le spectateur découvre la route, sort de la ville, et s'engouffre dans un bois.
Une autre voiture attend déjà l'homme, lui faisant face. Une femme est là à l'attendre. Entre les deux voitures, leur monde commun prend existence pleinement : un chemin un peu boueux et un peu chaotique. Ils s'entraînent l'un l'autre dans le fossé, sur les berges d'un cours d'eau. Tout semble miroiter autour d'eux, dans ce bois presque féérique, quasi fantastique, mais étrange, qui fait un peu peur, par ses couleurs automnales et le froid qu'il dégage.
Après l'amour, la fin difficile de leur entrevue. Cette fois-ci, le spectateur est dans la voiture de la femme et suit son chemin du retour. Même musique, mais plus lente, plus conclusive, avec un goût de pas assez. Ce chemin paraît incroyablement long, de l'aller au retour : le monde des amants semble bien éloigné de la société de la ville. Mais c'est aussi la difficile séparation, le retour de deux amants qui, dans cette ville, agissent comme deux inconnus bien isolés. Arrivée chez elle, la femme retrouve son mari, personnage hautain, odieux et ordurier, député-maire de la ville, incarnation de cette société que fuient les deux amants.
En dix minutes, le ton de tout le film est donné. Certes, Monsieur le député-maire est un personnage assez convenu dans le dégoût qu'il inspire, tout comme Jean Yanne dans Que la bête meure. L'épouse faible, toujours malade et inévitablement amère rappelle aussi les traits de l'horrible femme des Fantômes du chapelier ou de la mère folle et possessive de Poulet au vinaigre. Néanmoins, il ne s'agit pas vraiment d'une caricature aveugle. Ces traits des personnages qui encadrent le couple d'amants, soulignés par Chabrol, parfois forcés, ne servent qu'à mettre en évidence ces amants eux-mêmes, leur différence, la façon d'envisager leur amour.
Justement, la citation des Euménides d'Eschyle, au début du film, évoque la difficulté de juger ces deux personnages. Il s'agit de l'histoire de deux amoureux criminels qui agissent pour leur amour. En ce sens, Les Noces rouges est proche de La Femme infidèle : les crimes perpétrés sont le fruit d'un amour fort, haut-dessus de toute autre considération. Derrière l'atrocité de leurs crimes se trouve la beauté et la grandeur de leur amour.
Je pense à ce que demandait Truffaut au spectateur à propos du couple adultérin de La Femme d'à côté : de ne pas les juger.
GaryW
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le 20 oct. 2010

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GaryW

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