Alors déjà, je dois avouer que je ne suis pas le plus grand fan du cinéma de Sam Mendes. J'ai pourtant adoré le film de ses débuts, American Beauty ... je peux même concéder que c'est un véritable chef d'œuvre des films dramatiques. J'ai aussi beaucoup aimé Away We Go, un vrai bon feel-good movie. Par contre tout le reste de sa filmographie me laisse froid, voire même m'ennuie profondément, à commencer par Les Sentiers de la perdition, Jarhead et ses deux James Bond (pas vu 1917). Alors qu'en est-il de ces Noces rebelles ? Bah malheureusement, malgré toutes les qualités que je lui reconnais, c'est l'ennui qui prédomine !

Les Noces rebelles met en vedette Leonardo DiCaprio et Kate Winslet dans les rôles de Frank et April Wheeler, un jeune couple en difficulté. Tout le monde regarde ce film, j'en suis sûr, avec l'idée en tête "que se serait-il passé si Jack and Rose finissaient ensemble après avoir survécu tous les deux à la fin de Titanic". Bien sûr, cette idée ne va pas rester bien longtemps dans votre tête, car Les Noces Rebelles n'a vraiment rien à voir avec le film de James Cameron. Une autre star de Titanic, Kathy Bates, apporte son soutien au couple en tant qu’agent immobilier. Elle pense sincèrement que le monde leur appartient à tous les deux, sans soupçonner les troubles profonds qui hantent le couple. Elle a aussi un fils mentalement instable interprété par le génial Michael Shannon. Il vole littéralement la vedette à tout le monde dés qu'il apparait à l'écran. Pour un gars qui est soit disant fou, c'est le seul à dire la vérité.

Nous sommes dans les années 50, Frank et April Wheeler vivent à Revolutionary Road (titre original du film), une banlieue de la classe moyenne du Connecticut. April est une comédienne ratée et doit ce contenter du rôle dans la vraie vie de mère au foyer. Elle reste donc à la maison pour s’occuper de ses deux enfants et semble fort peu épanouie dans son train-train quotidien. Frank quant à lui, est un homme d’affaires ne trouvant aucune satisfaction dans son travail, si ce n'est le salaire lui permettant de faire vivre sa femme et ses deux enfants. Pour tous les deux, la vie est une grande désillusion.

Frank et April sont touchés par une maladie bien connue et déjà diagnostiquée depuis longtemps par Nietzsche. Dixit le philosophe slovène Slavoj Zizek “Nietzsche avait bien perçu comment la civilisation allait aboutir au dernier homme, une créature apathique et sans passion”. Le dernier Homme c'est nous, l'Homme du monde occidental et de la classe moyenne, une créature apathique sans grande passion ni engagement, incapable de rêver, fatigué de la vie, qui ne prend aucun risque, ne cherchant que le confort et la sécurité.

Les Noces rebelles m'a beaucoup fait penser au Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, un film qui développe le malaise du monde moderne que l’on trouve dans tous les films existentiels de ces dernières décennies (Blue Velvet, American Beauty, Las Vegas Parano, Dans la peau John Malkovich, Fight Club, The Tree of Life, Boyhood, Interstellar, L'homme irrationnel, Ad Astra et donc Les Noces Rebelles). A chaque fois, dans tous ces films sont abordés les relations de classe et la lutte de pouvoir autour du couple ... et concernant Les Noces Rebelles, Frank et April sont terriblement désabusés.

Bien qu'Eyes Wide Shut soit également centré sur un couple, elle (Nicole Kidman aka Alice) commissaire d'exposition et probablement artiste ratée, lui (Tom Cruise aka Bill) médecin beau et intelligent, le film de Stanley Kubrick sonde l'âme de ses protagonistes sous le prisme du fantasme avec le bal masqué (la marchandisation de la sexualité, la jouissance et la loi du surmoi, le culte du plaisir et de la jeunesse), donnant à ses personnages un contexte qui manque généralement à tous les autres films du même genre, y compris et surtout Les Noces Rebelles.

Mais plus important encore, tout comme Les Noces Rebelles, Eyes Wide Shut s’intéresse au pouvoir, à la propriété et à l’argent, ainsi qu'à la façon dont ils se connectent aux questions d’identité, d’intimité et de sexualité. Tout ça on le retrouve dans Les Noces Rebelles, mais Stanley Kubrick le traite tellement mieux que Sam Mendes. Dans Les Noces rebelles, Sam Mendes simplifie et réduit toutes ces questions à des conflits domestiques et coupe la psychologie de tout le reste.

Alors que Frank "emprisonne" sa femme à la maison, Bill ne veut rien de moins que de bloquer complètement le désir féminin de sa femme, d’où son attirance pour les prostituées. En tant que travailleuses du sexe, elles reprennent la place assignée aux femmes pour satisfaire ses pulsions libidinales. C'est ce qui conduit Bill à embrasser son fantasme (le bal masqué), alors que dans Les Noces rebelles le fantasme se réduit à tromper l'autre dans une réalité très banale, celle dans laquelle vivent Frank et April.

Décidément, le cinéma de Sam Mendes me laissera toujours aussi froid. Il me donne l'impression d'être un réalisateur qui se cache derrière son directeur de la photographie et son chef décorateur (Les Noces rebelles est vraiment un très beau film sur le plan formel) et de ses acteurs (le toujours impeccable Léonardo DiCaprio et la magnifique Kate Winslet). Bien que ses plans soient toujours bien propres et composés avec précision, on ne sent aucune véritable imagination visuelle (à l'exception unique d'American Beauty). Bref, Les Noces rebelles c'est un très beau film, mais beaucoup trop "plan-plan" et du coup moi je m'ennuie.

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le 18 sept. 2022

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lessthantod

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