Il y a des montagnes russes loin de l’adrénaline des parcs d’attraction qui essorent, épuisent et désespèrent autant les corps que les âmes sœurs. L’attraction, justement, ce n’est pas ce qui manque entre Damien et Leïla, parents d’Amine, mais elle est aussi palpable que le malaise.
Dans ce drame amoureux et familial, Joachim Lafosse (L’économie du couple) a l’habileté de faire découvrir petit à petit au spectateur le déséquilibre de Damien, artiste peintre à succès, rapidement aussi fantasque que troublant. Dans un style elliptique pudique et élégant, l’auteur-réalisateur instille un certain suspens, une tension psychologique insidieuse faite de plans serrés sur les visages, les respirations, les mouvements et impeccablement incarnée par Damien Bonnard et Leïla Bekhti. Sous la peinture d’un couple a qui tout semble réussir, succès professionnel, confort social, parentalité, la toile s’avère dangereusement fragile. La fragilité ambivalente qui nourrit la figure de l’artiste tourmenté dans l’imaginaire collectif, tantôt source d’inspiration démiurgique, tantôt souffrance destructrice. Face à une maladie, et non une posture, la lutte à laquelle il nous est donné d’assister est d’autant plus forte qu’elle revêt un caractère symbolique à travers Leïla, restauratrice de meubles anciens, acharnée à réparer aussi son mari et père de son fils. Mais l’humain est plus complexe et fuyant que le bois. Le décor non plus ne semble pas anodin dans ce long métrage puissant puisque la belle bâtisse de campagne, tranquille et rassurante n’est plus qu’un leurre transformé en maison de paille quand les vents contraires qui agitent Damien s’abattent sur elle. Au cœur de la tempête, Amine fait figure de jeune garçon courageux écartelé entre amour indéfectible et honte irrépressible, insouciance et inquiétude. Fruit d’une union et témoin d’une déchirure, il est l’enfance, inévitable victime collatérale des adultes.
La problématique s’impose à eux et la question se pose à tous : l’amour suffit-il toujours ou faillit-il parfois ? On n’attend pas du cinéma qu’il tranche définitivement cette question existentielle qui s’est déjà maintes fois posée et se posera encore, car il n’y a jamais qu’une seule histoire et qu’une seule fin humaine. Dans le nouveau film de Benjamin Lafosse, le couple est un volcan qui couve aussi passionnel que dévastateur aux prises avec la réalité implacable de la maladie, loin des comédies romantiques certes, mais peut-être pas absolument désespéré.

Jeannne
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le 5 oct. 2021

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