Voilà un film qui peut se vanter de compiler les points négatifs (préciosité jusqu'à la prétention, kitscherie, fantasme copieusement étalé avec sa pointe de mauvais goût...), et pourtant, un résultat si intense, si démesurément cinéphilique. Si flotter de la jaquette aide énormément à se fondre dans le récit, il convient de relever le tour de force assez incroyable que réussit Mandico dans l'élaboration de son oeuvre, au croisement de multiples influences comme le noir et blanc, le surréalisme et les superpositions d'images jouant avec les second plans projetés qui nous immergent dans la pensée des personnages. Aussi, tout est assurément gratuit et léger (on est fixé dès la scène du procès encadré par deux dieux du stade en tenue d'Adam, où la beauté impertinente de nos apprentis droogies est sans cesse soulignée). Et toujours, leur obsession du sexe (toujours abordée dans le sens du fantasme, de plus en plus ambigu au fil de la pellicule) revient guider leur parcours, tel un instinct dont le spectateur complice se délecte. Cette séance était splendeur et splendosité fait de chair.


On sait que le casting est exclusivement féminin, mais cinq minutes après le début du film, nous avons oublié. C'est le pouvoir de ce film incroyable, qui parvient à nous perdre avec ses péripéties qui ont toute la fraîcheur d'un conte encore non découvert, mais également la cohérence thématique qui va nous absorber au coeur de l'île aux fantasmes, et révéler sa fascination pour la féminité, qui se mue en féminisation. Petit tour de force qui vire sur le féminisme (le meurtre des marins), sapant sur la fin un quasi sans-faute (entaché par une petite promotion des paraphilies qui me semblent toujours assez sales, non, le pipi n'est pas sexy). Mais ces défauts ponctuels sont balayés par la virtuosité formelle, par l'accumulation d'idées folles et de tentatives ambitieuses (la flore enfiévrée). Ou tout simplement le chant des mots, parfois travaillés pour bercer la narration de douces allitérations (prononcez pour voir : " Un soleil salé embrasa leurs yeux."). On est dans une version aventure et nettement homosexuelle d'un spectacle des années 50, où l'ambiance serait rythmée par la machine à ambiance des Rencontres d'après minuit. Rien ne s'analyse, tout se ressent, et tout le ressentiment politique s'évanouit dans la forêt luxuriante de l'huître cyclopéenne. Querelle dans les plumes, viol sur le sable, déroute du sens des désirs... On adore se perdre dans les dédales de ce brassage culturel qui d'un chaos brouillon fait émerger de remarquables visions, à quelques urophilies près.


Attention, comme tout film fantasme, qui plus est tendancieux et tenant de l'OFNI, il est évident qu'il ne faut pas s'y aventurer sans corde de rappel, allant de l'amour éphèbe à la soif d'images rutilantes. Mais pour le cinéphile qui s'accroche, le film saura récompenser de douces caresses l'oeil attentif.

Voracinéphile
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les élus d'Aphrodite et Les meilleurs films de 2018

Créée

le 22 mars 2018

Critique lue 669 fois

12 j'aime

8 commentaires

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 669 fois

12
8

D'autres avis sur Les Garçons sauvages

Les Garçons sauvages
Fritz_Langueur
10

A l'ombre des jeunes filles en fleurs...

D’ordinaire, avant de voir un film, je m’intéresse à l’histoire, aux noms du réalisateur et acteurs, je vois des images... Souvent je jette un œil ça et là pour en savoir un peu plus. Mais parfois je...

le 1 mars 2018

63 j'aime

3

Les Garçons sauvages
Sergent_Pepper
7

L’île de l’ostentation

Et si, pour innover, il fallait revenir aux origines ? Pour briser la gangue d’un cinéma qui croit depuis trop longtemps être parvenu à maturité, frayer à contre-courant jusqu’aux sources...

le 21 mai 2018

51 j'aime

4

Les Garçons sauvages
Culturellement-votre
4

Entre beauté formelle et vacuité profonde

Les garçons sauvages est un film formellement abouti et interprété avec brio. Mais il reste continuellement en surface, dans une pose supposément transgressive, excessivement irritante par moments, à...

le 3 janv. 2018

44 j'aime

2

Du même critique

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

99 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36