Belle peur et piètre espoir
Un récit d'anticipation, c'est d'abord un axiome, un point de départ. En informer élégamment son spectateur est tout un art.
Cuaron l'a bien compris. Il évite le piège du monologue didactique (au hasard Dune...) et suggère les origines de sa réalité de manière dispersée : télé-crochet, publicité murale, logo, expérience personnelle...
La grande réussite de Les Fils de l'homme, c'est la création d'un univers visuel qui saisit et effraie.
Le crépuscule de l'humanité s'offre au spectateur, illustré par le spectre des couleurs et la lumière. Le gris et le brun prédominent dans ce monde morose, la lueur hivernale est timide, souvent rasante, le ciel couvert et lourd (le climat anglais devrait être crédité au générique). Le futur ne se donne pas en spectacle, le futur est laid et familier : parvenir à enlaidir encore un peu plus un Multipla et un Avantime est significatif des intentions du réalisateur.
Ce monde terne sera le théatre de notre trouble croissant. Ce malaise provient de cette juxtaposition d'images bien familières : réfugiés, ghettos, racisme, attentats, guerre civile, répression policière, brigands... Ce n'est finalement que le menu habituel du 20H, ingurgité chaque soir. Oui, mais tout ceci au Royaume-Uni ? Une nation riche et démocratique ? Le chaos n'est plus lointain et diffus, il est ici et maintenant.
La peur vous tient ? Pas tout à fait, il manque un ingrédient encore... l'immersion.
De coté la réussite est aussi présente. Les Fils de l'homme possède une patine de documentaire, sans rien abandonner à la virtuosité. Le démontrent les superbes plans séquences qui nous plongent au cœur d'un monde agonisant. La caméra suit Théo (Clive Owen) et nous confine à sa perception de cette réalité.
L'univers et l'atmosphère désespérés sont donc une vraie réussite.
Malheureusement l'intrigue n'a pas les épaules assez larges pour supporter le seul espoir permis dans ce monde mortuaire.
Le fil conducteur du film semble bien mince.
Contrecoup mal négocié au choix de suivre uniquement Théo, les autres personnages ne retiennent pas du tout l'attention, ils semblent simplement appartenir au tableau. Seule Julianne Moore parvient à se donner un peu de relief. Et Kee, cette femme, unique espoir de l'humanité, se voit infliger le même traitement superficiel, et n'évoque chez le spectateur que du désintérêt.
A partir de là, difficile d'estimer à sa juste valeur cette mission sacrée sur laquelle repose le film. Ce n'est pas l'étrange scène de recueillement autour de Kee qui change la donne.
Quant à la conclusion, le choix de nous laisser sans explications claires est louable et poursuit la même logique que l'ensemble du métrage. Mais l'exécution facile laisse une impression étrange. Le mystique s'invite à la fête dans ce monde jusque là si cynique : voilà Kee parmi les brumes en partance pour Avalon.
Les Fils de l'homme est un extraordinaire film d'ambiance. Rare sont les films si anxiogènes. Dommage qu'il échoue sur un fondamental : une intrigue solide et plus d'un unique personnage convaincant.