Agréable surprise créée par Les filles d'Avril, film mexicain ayant reçu à Cannes le prix du Jury dans la section "Un certain regard". La raison: principalement le scénario qui tisse lentement sa toile avant d'attraper le spectateur. Néanmoins le choix des acteurs secondaires déçoit et vient ternir la très bonne prestation d'Emma Suarez (Abril, la mère), déjà remarquée dans le Julieta d'Almodovar.


On relève donc d'abord l'étonnant scénario qui se dévoile doucement, par petites touches avant de prendre par surprise le spectateur. L'ingéniosité de Michel Branco permet cet effet: bien qu'à travers de minces indices, il laisse entrevoir l'incroyable action de la mère auquel toutefois personne ne s'attend complètement, il cherche surtout à désorienter, à égarer en proposant des fautes pistes (l'une d'entre elles: pourquoi la jeune et séduisante grand-mère agit ainsi? Par instinct maternel de protection, pour le bien de sa fille, pour lui faire prendre conscience de la chance qu'elle a?).


Puis, quand la charge dramatique détonne soudainement, l'écriture savamment rythmée démontrant une maîtrise du récit installe un suspens constant parmi la tension familiale que rien n'apaise au moyen principalement de nombreux retournements de situation inattendus.


Car, à l'exception de Mateo, passif et facilement malléable, fantomatique et sans épaisseur psychologique, toute la maisonnée (mère et filles) est en état de tension, prise d'un mouvement inarrêtable vers le dehors de soi (l'une veut être maigre, l'autre jeune et la troisième mère), ce qui l'égare dans cette quête d'un ailleurs ontologique .


Mais parmi tous ces personnages, c'est surtout Abril et son désir inavouable qui forment le nœud de l'intrigue dramatique. En effet, c'est son hystérie qui, en explosant, entraîne un enchaînement d'actions émotionnellement intense, plein de tension, de rage contenue et d'incompréhension. Néanmoins, son portrait est mal défini, maladroitement esquissé (certainement pour ne pas trop en dévoiler) si bien que Branco enfreint la règle de la vraisemblance. En effet, personne n'aurait soupçonné la folie maternelle du personnage d'Abril, même si quelques actes mettent la puce à l'oreille, étant donné que sa psychologisation est trop pauvre.


De même le choix d'acteurs amateurs au jeu inexistant, dont le manque d'expressivité devient presque insultant, trahit des faiblesses importantes dans le casting et la direction d'acteurs. Ainsi, on retrouve un Mateo surjouant le jeune homme passif, sans caractère; de même il n'y a aucune expressivité chez Clara, la grande sœur et que très peu chez Joanna, la fille d'Abril et mère du bébé.


Quoiqu'il en soit, Les filles d'Avril, qui, par son exploration du Mal dont le premier plan (Joanna qui croque une pomme) laisse augurer, rappelle le travail de son compatriote A. Escalante, est un film jouissif dans sa secrète complexité, porte intrigante qui mérite d'être poussée.

Marlon_B
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le 16 oct. 2017

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Marlon_B

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