Mohamed Diab lève le voile sur la condition des égyptiennes

Scénariste réputé dans son pays, Mohamed Diab passe pour la première fois derrière la caméra et s'attaque à un sujet tabou en Egypte, le harcèlement sexuel. Suivant le destin de trois femmes confrontées à un monde dominé par le machisme, Les Femmes du bus 678 séduit par la puissance de son propos, dénuée de tout manichéisme, mais n'emballe pas vraiment d'un point de vue cinématographique.

Fayza, Seba et Nelly viennent de milieux différents mais ont, pourtant, été les victimes du même fléau qui touche l'Égypte et sa capitale Le Caire : le harcèlement sexuel. Déterminées et fatiguées de se taire, elles s'unissent pour combattre ceux qui les humiliaient.

"C'est un grand non-dit, et je le répète, le sujet fait peur !" avoue le réalisateur. Jamais un film égyptien n'avait traité ce sujet délicat aussi ouvertement. À la manière d'un Alejandro González Inárritu, Mohamed Diab croise et lie les différentes histoires des personnages, proposant une description au couteau d'une société où le machisme est érigé au-dessus des lois. Sans considérations, les femmes sont constamment les proies d'une meute de loups affamés de chaires fraîches, que ce soit dans les bus bondés, dans les rue ou les soirs de victoires de l'équipe nationale de football.

Pour le cinéaste, la religion n'est évidemment pas la cause du problème. C'est plutôt la récession économique du pays, obligeant les jeunes à se marier beaucoup plus tard ou pas du tout, qui peut expliquer de tels agissements. Comme le montre la confession de ce harceleur, sans emploi et sans le sous, condamné à ne jamais trouver de femmes à épouser. La force des valeurs traditionnelles est également un facteur important. Le film dévoile, à travers le mari de Seba ou la belle-famille de Nelly, une société où la tradition est omniprésente. Par peur de déshonneur ou de réputation salie, le silence est de rigueur et le dépôt de plaintes interdit.

Évitant l'écueil de la caricature, Mohamed Diab livre donc un propos intense et édifiant, pas suivie, hélas, par la mise en scène. Exclusivement illustratif, la caméra suit les protagonistes sans créer la petite étincelle qui décuplerait l'émotion suscitée par le désespoir de ces femmes. Ce constat est peut-être dû à l'utilisation excessive de la caméra à l'épaule, pratique mais qui énerve assez vite.

Inspiré de faits réels, Les Femmes du bus 678 milite efficacement pour la condition féminine en Egypte et a provoqué plusieurs débats dès sa sortie en salles. Bien qu'imparfait, ce film dossier permet de lever le voile sur un fléau longtemps resté tabou.

claudie_faucand
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le 31 mai 2012

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