* Critique du 12 janv. 2007 :

Elégance. C'est le mot qui vient à mon esprit à l'évocation du style Vincente Minnelli.

Ici il nous offre un regard ô combien féroce mais non manichéen sur Hollywood. The bad and the beautiful pourrait faire penser au bien et au mal. Mais la morale de cette histoire (morale tout de même discutable) montre que du mal peut naître le bien. Discutable dans le sens ou c'est presque puéril comme morale, et puis du bien peut naître du bien itou et c'est quand même bien. Donc... et alors?

Mais plus encore, le film offre un regard plein d'indulgence sur l'humanité. Elle apparait comme morcelée, plurielle, riche. Vivante en un mot. A la fois bien et mal se disputent la réalité des rapports humains. A ce propos, le dernier plan, fabuleux est on ne peut plus évocateur. Les personnages trahis par Shields, sont dans l'ombre et retournent à la lumière pour l'entendre au téléphone. Leurs regards n'ont plus de haine. Lana Turner a les yeux de l'amour. Mais est-ce le discours concilient de Pidgeon ou une part du mal qui est en eux aussi? C'est sur cette note limite cynique que nous lache Minnelli. Le spectateur est une grande personne. A lui de décider et de réfléchir à sa condition d'humain.

J'ai beaucoup accroché à la structure même du film : 3 personnages, 3 actes. Mon affection pour Dick Powell, mon attirance pour Lana Turner, l'extraordinaire performance de Kirk Douglas font le reste et j'embarque sans problème pour un film ultra important. D'abord pour l'aspect instructif : si l'on veut avoir une idée de la fabrication d'un film à Hollywood, y a guère mieux du point de vue pédagogique. D'autre part, c'est un film plein d'éléments de réflexion philosophique ou morale qui ne laisse pas indifférent.

Mais encore la réalisation, élégante ai-je oublié? sobre en grande partie laisse aller parfois quelques mouvements d'effusion lyrique si l'on puit dire qui m'ont bluffé. Comment oublier ce dernier plan? Comment oublier la crise de larme de Lana Turner en conduisant, la colère noire de Douglas quand elle découvre sa trahison? Des petites pépites.

Un très grand film que je regrette de n'avoir pas plus apprécié en raison justement de son ton un poil trop moraliste. Comme toute fable.

** Critique du 25 janv. 2009 :

Elégance, toujours élégance. Splendide film et relecture encore plus enthousiasmée, je relève la note à 9.5. Tout en ne sachant pas vraiment pourquoi je ne vais pas jusqu'au 10/10 de la perfection tant le film subjugue par sa maîtrise, tel un funambule sur un fil tendu entre deux immeubles, il s'y déplace avec une grâce et une sûreté peu commune, évitant tous les périls inhérents à une telle entreprise. Il y a véritablement quelque chose de merveilleux dans la mise en scène. La structure même du film fonctionne comme un miracle de deux heures, d'une fluidité incroyable, sans une once d'ennui, avec une clarté et une lisibilité qui procurent un plaisir continu.

Ce qui m'étonne le plus et me laisse pour le moins sur le derrière c'est ma critique d'il y a deux ans. Je ne comprends toujours pas pourquoi et comment j'ai pu aller chercher cette histoire de moralisme, de manichéisme. Que voilà un étonnant mystère! C'est fou ce qu'on change pour une humeur, une histoire de vie ou quoi d'autres encore?

Le film n'a rien à voir avec cette vision. Il est beaucoup plus fin et racé que ça, il ne porte pas de jugement de valeur. Le personnage de Kirk Douglas offre à Minnelli ainsi qu'à Schnee (auteur également de They Live by night et de The furies, entre autres) l'opportunité de brosser un portrait d'une authenticité et d'une force extra-ordinaires, d'un réalisme et d'une justesse que le talent immense (je commence à me demander si je ne l'adule pas ce géant) de Kirk Douglas permet d'incarner.

Les acteurs sont estupendos! Gloria Grahame est d'une sexualité qui déchire la braguette. Son regard mamma mia!

Je redécouvre le charme nonchalant de Dick Powell, un comédien sous-estimé mais qui montre ici tout la chair qu'il peut donner dans le tragique comme dans la comédie.

Un film miracle. Net de bout en bout. Equilibré, balancé entre the bad and the beautiful. Un chef d'oeuvre minnellien.
Alligator
9
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le 22 févr. 2013

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Alligator

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