Les Eblouis est le premier film de la comédienne Sarah Suco que l'on a pu voir entre autres dans Discount , Les invisibles, Comme des Garçons ou Guy. Pour ce premier film, Sarah Suco se raconte à travers un récit largement autobiographique et nous livre un film souvent maladroit mais suffisamment sincère, touchant et nécessaire pour susciter la plus grande des indulgences critique.


Les Eblouis c'est l'histoire d'une famille qui se retrouve embarquée dans une communauté religieuse qui va finir par les enfermer dans des dogmes et des comportement sectaires. Au sein de cette famille nous allons suivre plus particulièrement Camille une gamine de douze au début de l'histoire et son évolution au sein de cette double famille biologique et spirituelle.


Pour un premier film Sarah Suco n'a pas vraiment choisi la facilité en se frottant à un sujet fort, délicat et contemporain tout en explorant comme une catharsis sa propre expérience personnelle. Fatalement impossible de douter de la sincérité de la démarche ni du bien fondé de l'histoire assez édifiante que Sarah Suco nous raconte quand bien même cette dernière semble l'avoir étrangement et substantiellement édulcorée . Si dans le film la famille de Camille semble très vite et tout naturellement entrer dans cette communauté religieuse j'ai pour ma part eu un peu plus de mal à rentrer dans le film. J'ai eu cette sensation que tout allait bien trop vite et qu'avant même de nous montrer la fragilité latente de cette famille non pratiquante on devait accepter que du jour au lendemain elle se fonde dans cette communauté avec croix autour du cou et acceptation aveugle de tous ses préceptes. Même si on sent dès le départ que la mère de famille est un peu fragile et que le père est un suiveur un peu lâche de caractère j'ai (à tort ou à raison) la sensation que l'embrigadement est un processus bien plus long, beaucoup plus sournois et en tout cas moins immédiatement radicale. De plus (peut être par choix) le film n'a pas vraiment de temporalité à l'écran donnant cette sensation un peu étrange de ne jamais vraiment savoir si il se passe une heure ou un an entre les événements, certes le film glisse quelques indices comme les vacances d'été ou un anniversaire mais globalement il reste ce sentiment qu'en une heure et vingt minutes la famille passe de plutôt normal à ultra catholique sectaire et totalement soumise au dogme qu'elle vient tout juste d'épouser. Le film laisse aussi parfois la sensation que Sarah Suco préfère s'effacer au profit de son histoire , que ce choix de montrer les choses est parfois bien plus fort que l'idée même de mettre en scène ce qui donne un film carré mais sans véritables fulgurances comme si l'objet cinéma devait se faire discret pour ne pas interférer avec la puissance du récit.


Les Eblouis reste pourtant un film fort et parfois même assez éprouvant allant dans un crescendo dramatique jusqu'à certaines séquences proche de l'épouvante psychologique. Les Eblouis, même si encore une fois le cheminement me semble trop rapide, nous montre combien une fois pris dans la lumière d'une idéologie réconfortante bien qu'enfermant nos libertés il devient difficile de cerner les zones d'ombres tant l'aveuglement prend l'insecte dans la secte. Tous redeviennent des enfants aux ordres et à l'autorité d'un père bienveillant et tyrannique trouvant sa légitimité dans une spiritualité apaisante. Les Eblouis comporte des instants très fort comme lorsque le troupeau bêle son berger tels des moutons dociles ou que lors d'une séquence tragi-comique de balle au prisonnier la mère de Camille apparait soudainement comme une toute petite fille perdue et punie par l'autorité d'un père de substitution. Le casting du film est quant à lui assez irréprochable tout comme la direction d'acteurs de Sarah Suco à commencer par la jeune Céleste Brunnquell dont c'est le tout premier rôle mais qui est formidable de bout en bout. Camille Cottin n'est parfois pas loin de la caricature de l'ultra-catholique en jupe pliséée mais son personnage qui se perd jusqu'à une forme de folie est vraiment réussi tout comme celui d'Eric Caravaca en père effacé, suiveur et victime toute trouvée du premier qui le fera exister. Et forcément il faut saluer la performance de Jean Pierre Darroussin génial en monstre de bonhomie protectrice vous enfermant à double tour dans ses sourires de compassion. Car Les Eblouis a aussi la bonne idée de ne jamais diaboliser plus que nécessaire cette communauté religieuse dont les valeurs de partage, de pardon, de communion, de solidarité bienveillante peuvent apparaître comme extrêmement positives jusqu'à ce qu'elle deviennent dogmatiques et nocives par la perte de la liberté individuelle et du libre arbitre. J'aurai adoré que Sarah Suco puisse aller beaucoup plus loin dans cette sensation d'enfermement idéologique avec une mise en scène pouvant se faire bien plus sombre et oppressante à mesure que le film avance. Si le film est capable de nous faire comprendre et voir cette fuite et cette perte de repères dans une idéologie sectaire, en revanche il peine à nous faire ressentir plus profondément cette dérive.


Les Eblouis reste un très bon premier film ne serait ce que pour la puissance de son sujet et la très grande qualité de son casting. Le film est bourré de petites maladresses, mais elles restent bien pardonnables vu la bonne tenue de l'ensemble.

freddyK
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le 10 déc. 2020

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