Les films de guerre, suite. Depuis quelques temps je me suis plongé avec délectation dans la recherche de dvds improbables afin de compléter ma collection thématiques de "films à avoir". Posséder ! Oui, je n'aurais pas fait de vieux jours chez les rouges en 17. Avant de me lancer dans pareille opération pour les classiques de la sf, voici donc Les diables de Guadalcanal.

J'ai découvert ce film étant bien jeune et il me restait les souvenirs d'une aventure pleine de fureur, d'avions, le tout en noir et blanc avec un John Wayne en mode ... ben John Wayne. Je précise que je suis fan des Têtes Brûlées et de Papy Boyington, ce qui aura son importance ici.

Mon dvd commence mal : version colorisée. Et merde ! Il se trouve que ce film inclue des images d'époque et le passage à la couleur passe justement assez mal. En noir et blanc, après revisionnage d'extrait, ça passe bien mieux. Pour le reste la restauration est tout de même de bonne facture et l'ensemble se suit avec un certain plaisir.

L'histoire est classique : affrontement de deux chefs, un sympa, Robert Ryan, et un dur à cuir, un vrai de vrai, un mec qui prend des décisions, un boss, John Wayne. Pouvait-il en être autrement ? Le gentil s'est fait piqué son poste par le dur à dur (merde, on dirait pas l'épopée du Nerka là ???) Le fond renvoie au titre : Guadalcanal. Dans l'imaginaire US cette île évoque une bataille importante, une victoire majeure après de durs combats qui vont s'écouler sur une année entre l'été 42 et la fin 43. L'affrontement fut terrible et a été le théâtre choisi par Malik pour la Ligne Rouge. Premier problème ici, le titre est racoleur : les diables (on va avoir à faire à une bande de durs à cuir) et Guadalcanal. Double souci : primo l'escadrille n'existe pas en dehors des deux rôles titre. Les persos secondaires sont totalement secondaires. Tout juste le mécano parvient-il à s'immiscer de temps à autres, plantant une composition qui va devenir un classique : le sergent qui pique des trucs à la marine ou aux artilleurs, qui répare les zincs à coups de capsule de coca et qui trouve du saké en pleine jungle. Il est évident que ce sergent sera un belle source d'inspiration pour le Micklin des Têtes Brûlés ; ce dernier l'emportera néanmoins par triple KO à tous les niveaux. Et la baston alors, et Guadalcanal ? L'histoire se passe le plus souvent sur un aérodrome attaqué par les Japs mais jamais pris : il est évident que nous sommes sur Henderson field. Approche singulière, le film commence par une voix off en mode "nous allons suivre l'histoire de sacrés pilotes etc etc". Point historique entamé qu'il est déjà fini. Nous sommes sur une base dans une île tropicale, point barre. On bastonne du Japs, parfois on coule un ou deux bateaux, on se retrouve même à arrêter des vagues de kamikazes ... sauf que ces derniers n'apparaissent qu'à la fin du conflit, en 45. Et oui, le titre évoquant la terrible bataille n'a rien à voir avec une bonne partie du film. En réalité les opérations dont il est question s'étalent sur plusieurs années. Est-ce grave ? Fondamentalement non. Je m'intéresse à cette période depuis longtemps, je connais donc quelques trucs et oui, je vais voir ces détails immédiatement. Mais le spectateur moyen non et de toute façon ça ne gêne pas le récit.

Ce film date de 1951 : pleine guerre froide (on est même en Corée à l'époque pour titiller du rouge), le Vietnam n'est pas encore arrivé, pas plus que Kubrick, Coppola ou Stone. Les films de guerre sont propres. John Wayne est toujours impeccable. Peu de sang, de cris, d'où l'intérêt des images d'époque qui elles montrent une guerre crade et crue. Assez marrant d'ailleurs de voir, en couleur, une séquence d'attaque d'une colline de Guam - j'ai reconnu les images d'archive - avec du sang et, quelques secondes plus tard, un pilote us puis nippon se faire mitrailler, sans sang, cri, tout juste un visage à peine crispé. De temps à autres on a bien une pensée pour les morts, un poil d'alcool, une peur tout juste évoquée pour mieux insister sur le talent de Wayne pour retourner ses pilotes défaillants.

Ce film mérite tout de même qu'on s'y attarde. Produit par le milliardaire Howard Hugues, c'est un film de zincs. En 51 il restait encore pas mal d'avions de la seconde guerre ; l'amateur que je suis fut donc très heureux de voir des alignements de Hellcat, de Corsair, un beau Catalina. Il y a des anachronismes quant à l'utilisation des avions mais peu importe, ça sent l'essence et l'huile, ça bourdonne, ça crépite. On aurait bien aimé voir plus d'avions nippons mais bon, à l'époque le nippon ne parle pas, porte des casque avec deux branches et, au final, se fait dessouder. Le salaud peut même abattre un pilote sans défense attaché à son parachute : on ne va pas non plus mettre en avant ses avions !!!

Un bon vieux film de guerre des années 50 donc, bourré de clichés, mais aussi plein de charme. Ne vous inquiétez pas on fini sur la bannière étoilée, on a le droit à la prière du gamin, à la femme dévouée qui ne pleure pas devant son mari. Tout y est. Après tout, dans Top Gun, les pilote ne seront pas moins propres sur eux. Après tout le Soldat Ryan se termine sur une image dégoulinante de bons sentiments patriotiques. Après tout, on a vu des zincs, des scènes d'action sympa dont une longue séquence de quasiment 10 minutes de carton aérien ininterrompu sur 1h38 de film !! Tant pis pour les incohérences, tant pis si les chasseurs engagent les duels avec les zéros en gardant leurs bombes et roquettes - fait bien que les faces de citron aient une chance -, tant pis si les bombes sont lâchées n'importe comment sur les navires japs - le terrible Pearl-Harbour ne fera pas mieux -, on passe un moment sympa. Ne jamais oublier que nous sommes en 1951 et que ce film n'a aucune vocation à dénoncer la guerre où à en montrer les atrocités, même si elle peuvent apparaître un chouilla, de temps à autres. Autre époque, autres moeurs.

Je terminerai par un hommage aux Têtes Brûlées ; en redécouvrant ce film j'ai pris la mesure de la qualité de cette série qui, 20 ans plus tard, nous montrera un visage bien plus crade sur ce qui fut la guerre pour ces pilotes. J'attends avec impatience la prochaine série de Spielberg et Hanks sur le sujet. Autre intérêt, il est clair qu'il y a un peu du Buck Danny des premiers album de Charlier et Hubinon. Alors quoi ? Un film qui permet de mettre en valeur des zincs à piston, Buck Danny et Papy Boyington ! Vous attendez quoi ??? En tout cas chez moi c'est direct +2 dans la notation !

Créée

le 23 févr. 2013

Critique lue 733 fois

2 j'aime

Aqualudo

Écrit par

Critique lue 733 fois

2

D'autres avis sur Les Diables de Guadalcanal

Les Diables de Guadalcanal
Torpenn
6

Il veut sauver le soldat, Ryan.

Finalement, presque une bonne surprise, j'ai tellement entendu de mal de ce film, que même son réalisateur reniait plus ou moins, que j'avais un peu peur... En gros, c'est un film de guerre à...

le 27 mars 2011

10 j'aime

13

Les Diables de Guadalcanal
Sergent_Pepper
2

Sans moi

Ce DVD est dans mon coffret RKO, ce qui me permet de voir un film de guerre avec John Wayne. Le genre de truc que je ne serais jamais allé chercher. Nicholas Ray semblait un argument suffisamment...

le 29 oct. 2013

8 j'aime

2

Les Diables de Guadalcanal
JeanG55
3

Les chats sauvages

"Les diables de Guadalcanal" est une "œuvre de commande". Semble-t-il, Howard Hughes, patron de la RKO, avait envie d'un film à la gloire des marines et Nicholas Ray en délicatesse avec les comités...

le 4 août 2022

5 j'aime

10

Du même critique

300 : La Naissance d'un empire
Aqualudo
8

Oh ! Oh ! Cet Hector là est vraiment plus doux à palper que quand il livra nos vaisseaux à la flamme

Nom de Zeus, j'aime ce film. Mais alors franchement. Par une certaine forme de miracle, j'ai réussi à atteindre la salle de cinoche sans spoales, sans connaître la moyenne, honteuse, de cette suite...

le 13 mars 2014

115 j'aime

41

L'Armée des 12 singes
Aqualudo
9

"Monsieur, j'ai mal aux cheveux"

Difficile d'entamer la critique d'un film aussi riche, complexe et déroutant. La première fois que j'ai découvert l'objet, soit au cinoche lors de sa sortie, j'ai tout de suite été séduit, sans...

le 12 mars 2013

104 j'aime

1

La Légende d'Hercule
Aqualudo
1

Du sacrifice pour un instant miko

Bien entendu, je savais où j'allais. Bien entendu, je n'avais, après avoir vu la bande-annonce, que peu d'espoirs quant à la qualité de ce que j'allais voir. Mais, franchement, je ne m'attendais tout...

le 20 mars 2014

75 j'aime

23