Les retours, ça se fête.
Fêtons donc tous ensemble le retour de David Cronenberg, même si certains de ses derniers efforts n'étaient pas forcément très convaincants, comme Cosmopolis ou, paraît-il, Maps to the Stars.
D'autant plus que ce retour se fait à Cannes, entre-soi toujours prompt à s'émouvoir pour pas grand chose, tout en gesticulant.
Mais on peut légitimement se demander, devant les premières scènes des Crimes du Futur, où David veut en venir.
Car si le film demande quelque chose au spectateur, c'est de s'accrocher quelque peu avant de pouvoir l'appréhender. Ainsi, Les Crimes du Futur ne se laisse pas approcher facilement, encore moins apprécier, et laissera sans doute pas mal de monde sur le bas-côté.
Alors même que Cronenberg convoque pourtant pèle-mêle les tumeurs de Chromosome 3, cette-fois-ci intériorisées, La Mouche, Existenz, Crash ou encore Les Promesses de l'Ombre.
Mais l'on se demande quel propos l'illustre metteur en scène compte délivrer. Car là aussi, cela se bouscule : image désespérée de notre futur proche, soliloque sur la portée de l'art, son évolution, ses dérives et sa fonction, souffrance de l'artiste, tout est bon dans le cochon, semble-t-il, d'autant plus que les ruptures de tons brouillent encore un peu plus l'approche du film, oscillant entre certaines scènes frôlant la comédie, monologues grandiloquents et recul sur ce que le réalisateur filme.
De quoi dérouter, pour le moins.
Mais ce qui donne de la (nouvelle) chair à l'ensemble, c'est son ambiance étrange, que Cronenberg réussit à célébrer, son aspect organique à la fois exalté et immédiatement dépassé, en mutation constante dans son sens et dans sa métaphore.
Et si Viggo, à l'évidence, est projeté à l'écran comme un nouveau David, si celui-ci disserte sur sa place d'artiste, déconnecté et en vase clos, Les Crimes du Futur exécute le triste portrait d'une humanité désenchantée, déconnectée, anesthésiée, évoluant dans des décors écaillés, délabrés, laissés à l'abandon.
Dans les yeux de Cronenberg, le post humanisme se dessine en pleine déliquescence, s'inscrivant dans une marche du monde et du progrès qui génère sa propre fin.
Et là, comme une fulgurance, on se souvient de ce plan inaugural, pour mieux comprendre qu'à l'image de ce paquebot sur le flanc, notre monde a lentement sombré.
Après avoir envisagé sa propre mort à l'occasion de l'un de ses courts-métrages, David Cronenberg prophétise aujourd'hui la nôtre en lisant dans nos entrailles.
De triste augure, même si on le savait déjà un peu.
Behind_the_Mask, qui se méfie de la beauté intérieure.