Une ambiance singulière, mystérieuse et agréable se dégage des premières minutes du film. Le film s'ouvre en effet sur le plan saisissant de l'affiche avant de basculer vers un quotidien plus austère qui présente le personnage de Joanne, interprété par Adèle Exarchopoulos, et sa fille. Leur relation est introduite de manière authentique et intime, que ce soit au niveau de la mise en scène que de l'écriture, et confèrent à ces premières scènes une certaine sympathie, renforcée par celle de Sally Dramé qui interprète Vicky, la fille de Joanne.

Le récit va principalement adopter le point de vue de cette dernière au travers de son attrait pour les odeurs. Ses capacités olfactives anormalement surdéveloppées l'amènent en effet à confectionner des bocaux de parfums élaborés à partir de différents objets et ingrédients qui rappellent la personne à qui est dédiée le bocal correspondant. A l'arrivée de la soeur du mari de Joanne, ce curieux passe-temps va lui permettre de remonter dans le temps pour observer, à la manière d'un fantôme, les relations passées qui ont uni ces 3 personnes : sa mère, son père et sa tante.

Par le biais du voyage dans le temps, cette métaphore de la découverte par un enfant de la vie (passée et sexuelle) de ses parents offre de beaux moments de poésie dans le film, de nombreuses maladresses viennent ternir le tableau. Le personnage du père de Joanne en est un premier exemple. Le point de tension du récit se situe sur la relation amoureuse passée entre Joanne et la soeur de son désormais mari. Le personnage du père est montré comme farouchement opposé à cela, de manière trop exagérée pour que cela soit crédible. Comment une fille qui semble si éduquée et si ouverte peut garder des relations pendant autant d'années avec un père aussi fermé d'esprit et insultant ? Il traitera au long du film sa fille de "conne" Un fossé sépare les deux personnages sur le plan psychologique, pourquoi Joanne a-t-elle dans ce cas décider d'habiter aussi proche de chez son père ? Par ailleurs, le spectateur est en droit de s'interroger sur l'inconsistance qui existe entre la maison de Joanne et son mari et le reste du village. La scène durant laquelle Joanne cuisine un poulpe avec Julia semble par conséquent artificielle. Enfin, on peut citer en dernier exemple le traitement réservé au harcèlement scolaire. Celui-ci aussi semble artificiel tant il est gratuit et ne s'inscrit pas non plus dans la cohérence du récit. Plusieurs points du récit auraient donc mérité davantage de nuances afin d'éviter ces différentes scènes qui pourront faire rouler des yeux plusieurs spectateurs.

Le traitement plus fantastique du voyage dans le temps finit également par perdre le spectateur car, sans réelle explication, la tante est la seule à voir le fantôme de Vicky lorsque celle-ci observe le passé. Si cela sert à expliquer la folie naissante de Julia, cela ne lui confère pas davantage de cohérence scénaristique. Il reste toutefois pendant une longue partie du récit une sensation de douceur lors de ces scènes et grâce au mystère qui s'en dégage. Les stigmates du passé aussi bien psychologiques que physiques sur le personnage de Nadine, interprété par Daphné Pataki, habitent le récit et en sont le vrai fantôme. La scène d'ouverture nous revient alors en tête et il est plaisant de sentir une telle profondeur de récit. Néanmoins, le film décide de dissiper absolument tout ce mystère, construit depuis plus d'une heure en seulement cinq minutes. Un nouveau flashback vient en effet faire tous les rapprochements qu'on se plaisait à deviner entre le passé et le présent et va jusqu'à expliquer tous les stigmates évoqués.

Sur le plan formel, le film abandonne également vite sa radicalité des premières minutes avec une présence exagérée d'extraits musicaux. Il ne reste donc dans les dernières scènes plus aucun mystère et toujours aussi peu de nuances lors d'une scène peu crédible de tentative de suicide. Les derniers plans sont alors réservés à un nouvel extrait musical et à un effet de manche autour du volet fantastique du film qui aurait pu fonctionner et apporter une certaine poésie s'il ne semblait pas autant tiré par les cheveux.

Alsh74
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le 20 sept. 2022

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