Eclipse totale du cœur

Après le remarqué Ava (qui avait révélé Noée Abita), Léa Mysius est revenue cette année avec ce film présenté à la Quinzaine des réalisateurs. La réalisatrice est partie de l'idée d'une petite fille se focalisant sur les odeurs, amenant petit à petit le script vers le fantastique, avec les odeurs faisant voyager la petite dans le temps.

En effet, si au premier abord, on pourrait croire que ses voyages sont uniquement des souvenirs liés à ses parents (Adèle Exarchopoulos et Moustapha Mbengue) et à sa tante (Swala Emati), le film va bien plus loin au bout de quelques minutes puisque la tante voit sa nièce (Sally Dramé). Tout cela entraîne la psychose de la jeune femme (qui peut la voir aussi bien comme un démon ou un fantôme) et l'animosité de la petite envers sa tante avec des dommages collatéraux entre passé et présent.

Comme dans un grand nombre de récits autour du voyage dans le temps, aller dans le passé entraîne des changements irrévocables et ces derniers seront destructeurs pour toute la ville. Un petit coin perdu en pleine montagne où tout se sait en peu de temps. Si cela vous dit quelque chose, cela n'a rien d'étonnant puisque l'une des références de Mysius sur ce projet est la série Twin Peaks (1990-2018). Ainsi, les secrets de famille finissent par se dévoiler à la petite, découvrant même que son existence n'a peut-être tenu qu'à un sapin en flamme.

Le film montre alors une famille déconstruite, bloquée par un drame qui a tout explosé sur son passage et amenant quatre personnages dans une impasse. Certaines relations ne peuvent s'effacer et c'est ce qui arrive dans ce qui est la plus belle scène du film (et probablement une des plus mémorables de l'année). Il suffit de la vision d'une personne pour que les souvenirs douloureux reviennent, avec des non-dits qui partent en fumée. Le personnage d'Adèle Exarchopoulos n'a pas réussi à protéger sa compagne, comme celui de Moustapha Mbengue comprend qu'il ne fut qu'une solution de rechange. Sans compter Daphné Patakia marquée à vie et semblant dans l'incapacité de nouer des liens avec les gens depuis le drame. On en vient d'ailleurs à se demander plusieurs fois si Vicky n'est pas plus adulte que ses parents, au vue de certaines de ses réactions (le dénouement notamment).

La fin du film pourrait apparaître comme énigmatique au premier abord, mais elle se présente comme très clair : le schéma risque de se répéter encore et encore par l'hérédité. Léa Mysius signe donc un intéressant drame familial où le fantastique s'insère particulièrement bien. D'autant plus que la réalisatrice maîtrise la thématique du voyage dans le temps et la développe à travers ses personnages via un moyen qui renvoie aux sens. Si le casting est de qualité, soulignons qu'Adèle Exarchopoulos est assez incroyable en femme définitivement bloquée à son point de départ.