Il y a vraiment un vent de liberté dans les films de Léa Mysius. Déjà chez Ava, et encore ici dans Les Cinq diables, on a l'impression de voir des personnages libres, alors qu'ils subissent pourtant la contrainte sociale, mais ils ont l'air d'exister, presque de flotter dans leur environnement, ils avancent, on ne les fait pas trop parler, il y a quelque chose dans leur regard sur le monde qui fait qu'on a l'impression qu'ils s'en détachent, et donc qu'ils ont l'air libres. C'est dans l'atmosphère aussi, dans cette façon de jouer avec les paysages - la mer, le soleil, l'été dans Ava, la montagne, le village glauque, le froid dans Les Cinq diables - de montrer des gueules aussi, surtout ici dans Les Cinq diables, mais déjà dans Ava les deux jeunes se bariolaient la figure avec de la peinture, mais là on a des gens "normaux" avec des tronches presque de monstre - des visages brûlés ou des rétines injectées de sang, et ça ne sert pas vraiment à grand-chose pour le traitement du sujet, mais c'est là, ça existe, on en parle pas, ce n'est pas le sujet. Et en fait, je crois que j'adore cette idée de filmer des choses normales mais avec des incursions étranges. Du genre on veut montrer une agression par des jeunes, ou un dialogue simple dans une cuisine, on pourrait le faire avec des gens sans caractéristiques physiques particulières, mais on le fait avec des gens maquillés, à poils, brûlés, moches, bariolés... Des gens qui auraient tout pour être écrasés par le monde, mais chez Léa Mysius, ils ne le sont pas, ou en tout cas pas à cause de ça, ils vivent, ils sont libres malgré tout. Et je trouve ce vent de liberté absolument magnifique.

Après, on a un film qui est un peu trop court, et finalement qui ne pousse pas assez loin son concept de l'enfance qui regarde ses parents, pour filmer une histoire d'amour qui n'est pas assez développée. Et on a du mal à vraiment croire à l'amour entre les deux personnages, parce qu'on ne le voit pas se développer, on ne le voit pas vivre. L'histoire aurait mérité une bonne heure de plus pour finir de développer ces personnages et qu'on se prenne de passion pour leur histoire, parce que là, ça parait un peu placardé sans que l'on y croie vraiment. Et du coup, on passe un peu de temps sur cette histoire là, en oubliant un peu l'histoire de l'enfant, qui regarde ses parents, et là aussi on a du mal à voir où ça veut en venir, comment elle le vit vraiment.

Et je pense que c'est là le principal défaut du film : il est trop court. Toujours est-il qu'on voit que Léa Mysius est passionnée de cinéma, que ce qu'elle filme elle a envie de le filmer, qu'elle joue avec ses effets visuels et sonores, les gueules de ses personnages, que c'est plein de bonnes idées, et qu'elle ne le fait pas pour trop en faire, mais qu'elle est vraiment sincère. Et ça donne un film avec une vraie liberté. Une cinéaste que l'on a envie de suivre.

jean-taulier
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2022

Créée

le 3 sept. 2022

Critique lue 9 fois

1 j'aime

jean-taulier

Écrit par

Critique lue 9 fois

1

D'autres avis sur Les Cinq Diables

Les Cinq Diables
Mr_Wilkes
8

Fire swim with me

Ouverture du NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival) version 2022, Les Cinq Diables de Léa Mysius devient le second long-métrage de sa jeune réalisatrice, après un Ava qui avait déjà...

le 2 juil. 2022

39 j'aime

Les Cinq Diables
Virgule1
3

Cinéma de genre(s)

On a vu, sûrement dans des approches post-post-modernistes qui voudraient un renouvellement de l'imaginaire du cinéma français, l'accroissement de propositions de cinéma de genre français, et ce,...

le 4 sept. 2022

17 j'aime

3

Les Cinq Diables
mymp
6

Smells like girl spirit

En apparence, tout à l’air normal. Joanne et Jimmy forment un couple banal, sans histoire croit-on, elle maître-nageuse et lui pompier, déjà on perçoit la symbolique qui s’invite, cette idée du...

Par

le 31 août 2022

15 j'aime

1

Du même critique

Le Menu
jean-taulier
4

Critique de Le Menu par jean-taulier

Ça part d'une idée sympathique, mais en fait c'est tout ce qu'il y a dans Le Menu : une idée de départ. Mais le film n'en fait rien ou pas grand-chose. Déjà on ne comprend pas le projet en fait. On a...

le 27 nov. 2022

22 j'aime

4

Seaspiracy : La pêche en question
jean-taulier
3

Tout ce qu'il ne faut pas faire dans un documentaire

Le moins grave, tout d’abord, le film brosse trop de sujets, et finalement n’approfondit rien. Il commence à esquisser une problématique, puis passe à autre chose... et on n’apprend rien. On nous...

le 29 juil. 2021

7 j'aime

Dune - Deuxième partie
jean-taulier
5

Critique de Dune - Deuxième partie par jean-taulier

Dans cet écrin, plus rien n'a vraiment de sens : les rebelles sont trop forts et ne perdent jamais une bataille, la construction de l'histoire d'amour n'est pas filmée, Timothée Chalamet déraille...

le 2 mars 2024

6 j'aime