Les Cinq Diables est un concentré de bonnes idées qui restent parfois très en surface. Mais l'ambiance lourde et pesante créee par la réalisation de Léa Mysius a le mérite de rendre le film particulier et oppressant.


La principale qualité réside d'abord dans son décor général : petit village d'Auvergne renfermé dans les montagnes en plein hiver, où la population semble se reconnaître entièrement. Ce contexte géographique ancre déjà le récit dans un ton très spécial, qui n'est pas sans rappeler celle de La Nuit du 12, où les décors montagneux servent à faire suffoquer les personnages dans un endroit qui semble impossible à fuir. Même les évasions d'esprit de la petite fille découvrant le passé de sa mère restent dans ce village. A l'instar du personnage principal inteprété par Adèle Exarchopoulos, prisonnière d'une vie qu'elle n'a pas spécialement voulu avoir. C'est un premier coup de maître dans le choix du lieu et de sa réalisation très suffoquante (avec aussi notamment beaucoup de plans serrés à l'épaule.) Le coté fantastique est aussi joliment mis en scène, avec beaucoup de modestie (aucun vfx) et de légèreté, au travers du jeu de cette enfant mystérieuse à l'humeur parfois instable et hésitante. Le fait qu'il ne soit jamais expliqué est aussi une très bonne idée dans l'écriture, car cela accentue et maintient le suspense et l'incompréhension d'un tel pouvoir. L'expliquer aurait été plombant. Le son a d'ailleurs aussi une grande importance lors des évènements surréalistes.


Mais il est vrai que malgré toute ses qualités, le film se perd un peu dans son fond de critique sociale, car la réalisatrice semble voulour montrer beaucoup de choses en 1h40. Que ça soit les amitiés trahies, l'incendie, les victimes, le harcèlement scolaire, l'incapacité de pouvoir choisir sa vie.. Tant de thèmes complexes qui sont malheureusement survolés, car le doute à choisir entre laisser le mystère du fantastique et développer une situation sociale déséquilibre la mise en scène et le récit. Ce qui fait que le spectateur aura tendance à rester de marbre face tout en notant qu'il y a une volonté de traiter certains sujets. De plus, l'intrigue amoureuse finit par prendre le pas sur tout le reste, ce qui est dommage car on retombe dans un récit beaucoup plus classique, un peu superficiel, alors que le reste du film cherche justement à s'en émanciper. Mais le film a l'audace et le mérite d'être singulier en voulant développer ces thèmes souvent mis en avant dans le cinéma.


Et c'est un point important, car il faut soutenir ce genre de films qui cherchent à sortir des codes standards. En utilisant le fantastique (et parfois même un peu l'épouvante), Les Cinq Diables se distingue aisément du film social classique. Son déséquilibre dans la narration fait qu'il est loin d'être totalement maitrisé, mais ses qualités indéniables permettent une proposition esthétique rare et originale, qui malgré tout, ne laisse pas le spectateur indifférent.

Guimzee
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le 1 sept. 2022

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