[Attention spoilers]
J’ai découvert Dustin Hoffman assez jeune, et comme toute personne de mon âge c’était avec Rain Man, qui a certainement figé en moi l’image d’un acteur campé à des rôles de timides, de bienveillants, en bref : de faible !
« Les Chiens de Paille » ne déroge pas à la règle, dos vouté et voix peu rassurée, on se laisse endormir par un professeur qui n’arrive même pas à en imposer en public, alors qu’on apprend qu’il est marié à la plus belle fille de la région. L’atmosphère s’installe très lentement et pourtant on se sent déjà perdu, ne serait-ce que par le ballet incessant de cette clarinette chuinant en compagnie d’une trompette comme si les dialogues avaient été remplacés par la musique, ambiance de circonstance donc, au style très épuré. Ce joli petit couple installé dans une vieille maison retapée, une belle vue près d’un petit village anglais … Pourtant rien n’a l’air d’aller ! Ou pas, on ne sait plus ! Les scènes de dispute et de réconciliation s’enchaînent à une vitesse impressionnante. Mais que fait ce couple ensemble ???
A la sortie du film, Sam Peckinpah avait été traité de misogyne, ce dont il s’était défendu. Mais au regard du sadisme mis en scène dans la ridiculisation de la femme, on atteint des sommets. Pendant que leur maison est encerclée et que son cher mari essaye de défendre la défendre et sauver leurs vies, madame est très occupée à avoir peur d’un petit rat (fou-rire étouffé). On se demande si le réalisateur n’a pas raté sa vocation dans les films d’horreur à deux sous. De même on se demande si la société en elle-même n’est pas mise en comparaison, un américain bourré de diplôme et pacifique arrive dans un rassemblement d’anglais bourrus aux travaux manuels. Une impuissance de sa part mise en exergue par cette constante curiosité envers le déchainement de ses semblables, et un certain dédain, à voir la manière dont il décide toujours de s’en griller une petite.
On a peur de s’ennuyer au début, même si la violence est omniprésente. Un vieux patriarche alpha que tout le monde regarde faire ce qu’il veut sans broncher, un constant rappel à certains personnages de leur place dans la « société ». Des jeux de chasse où l’on perd vite de vue qui est le prédateur et la proie, de l’intimidation constante de chaque côté, des Boys qui regardent la vie du couple depuis le toit comme les vautours regardent leur futur diner depuis la branche. Violence de l’esprit puis violence du corps.
La scène de viol apparait comme un point culminant, difficile à décrire. Une mise en scène inquiétante qu’il faut voir pour comprendreet une ambiguité qui amène pus de questions que de réponses.
Le darwinisme finit par faire son apparition, madame étant très occupée à être en danger et crier, notre cher professeur doit oublier ses principes et sauver sa peau, on se surprend à avoir peur au moment où il commence à … adorer ça. Utilisant des techniques moyenâgeuses et définissant le style bien avant « Maman j’ai raté l’Avion », Dustin Hoffman (notre impuissant) s’avère être un réel Badass ! On s’accroche à ce qui nous entoure (le chat à l’occurrence) de peur de se prendre un coup au passage, mais aussi de croiser son regard.
Je me suis surpris à penser à la fin de la scène où David regarde sa femme « I am the one who knocks » (référence Breaking Bad), comme quoi les choses ne changent pas tant que ça dans notre société.
Happy Ending ? A vous de voir, pas de cliffhanger mais une situation ambiguë comme on en a vécu des tonnes pendant deux heures, alors qu’on ramène l’idiot du village chez sa maman.
Mentions spéciales : Le coup de boule dans les valseuses et l’insinuation selon laquelle c’est grâce à des hommes comme le professeur que la Bombe a été mise au point.
Peace !