Aimable petite pochade estivale, Arrête de ramer, t'es sur le sable (Meatballs) avait posé les fondations de l'association Murray/Reitman qui exploserait quelques années plus tard avec Ghostbusters. Entre temps, il y eut ces Bleus (Stripes en VO), qui sur beaucoup d'aspects ressemble à une variation militaire de Meatballs. Murray y incarne à nouveau un personnage de "rebelle", vite fait inadapté social, vaguement obsédé sexuellement, et toujours incroyablement nonchalant, dont diablement cool. Winger vit de petits jobs qu'il plante l'un après l'autre et trouve le moyen de vivre dans un appart' chicos avec une blonde mannequin qui se ballade torse poil devant lui. Comme toujours, Bill Murray = classe internationale.

Sauf que Blondie en a plein le dos de se traîner ce boulet et décide de partir, permettant à Winger de réaliser un triplé dans la même journée : plus de job, plus de voiture et plus de copine. Et comme tout bon désoeuvré social, Winger et son meilleur ami (incarné par son complice de toujours Harold Ramis) font la chose la plus élémentaire : s'engager dans l'armée en espérant profiter de la pitance et du coucher gratuit. Si au passage, on peut aussi repartir avec les deux jolies filles dans la salle de conscription, ce sera pas du luxe. Evidemment, la rigueur disciplinaire de l'armée ne sied guère aux deux zigotos, qui plus est vu que le sergent Hulka (Warren Oates) qui est en charge d'eux est un type de la vieille école pour qui faut que ça file droit.

Dit comme ça, ça ressemble à un mauvais sequel de la Septième Compagnie, mais ce n'est pas le cas. Meatballs, bien que très mineur, montrait déjà un certain potentiel qui reposait essentiellement (exclusivement?) sur l'explosivité et le dynamisme comique de Bill Murray, dans la lignée de ce qu'il pouvait proposer notamment pendant son passage dans le Saturday Night Live, loin du Murray tout en intériorité des dernières années. L'"inspirational speech" scandé au rythme des "It just doesn't matter", apogée du film, était resté dans les mémoires des spectateurs américains, à tel point que Reitman en ressort une déclinaison extrêmement ressemblante dans ce Stripes. Si le film n'était pas toujours drôle, il s'avérait néanmoins être une locomotive particulièrement efficace pour son acteur principal, qui s'imposait immédiatement comme un type au potentiel énorme, ce qu'il prouvera à d'innombrables reprises par la suite de sa carrière.

Stripes est le prolongement de Meatballs, c'est un Meatballs version XL. Casting plus musclé, seconds rôles plus écrits, rythme plus soutenu... mais au fond, l'idée reste la même : offrir une tribune au sens inné du comique de Bill Murray. Cela passe notamment par ses relations avec Hulka, les scènes entre Murray et Oates s'avérant en tous points savoureuses et autrement plus abouties que celles qui l'opposait au directeur de colonie Morty (Harvey Atkin) dans le précédent film. L'alchimie entre Murray et Ramis ne fait qu'ajouter à la joie de voir ces deux types aussi débonnaires venir secouer l'ordre très guindée de leur garnison. Au final, c'est l'intégralité des rôles secondaires qui s'avère très satisfaisante, y compris les deux jeunes demoiselles de la police militaire que Murray et Ramis tentent de séduire. Leur rapport de séduction s'avère être écrit beaucoup plus finement que ce à quoi on peut s'attendre : à titre d'information, l'une d'entre elles est jouée par une Sean Young encore inconnue et qui enchaînera quelques mois plus tard avec le mythique et génial Blade Runner. Et Dieu qu'elle était irrésistiblement belle avant qu'elle ne pète un câble et se fasse blacklister par le tout-Hollywood.

Les Bleus est-il un grand film? Assurément non. On n'y rit pas à gorge déployée, la mise en scène n'est pas révolutionnaire et le film n'invente pas l'eau chaude. Mais dans la rigueur d'écriture de ses personnages, dans la qualité de leur interprétation, par la verve juvénile qui anime le film, et par le talent de cet acteur de génie qu'est Bill Murray, ce Stripes est une comédie mainstream d'un très bon niveau, un plaisir coupable pas bien méchant qui mériterait d'être redécouvert et réapprécié à sa juste valeur, surtout par ceux qui comme moi idôlatrent Bill Murray.
Sharpshooter
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le 28 sept. 2012

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Julien Lada

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