Encore plus que Bon Baiser de Bruges et 3 Billboards de Martin McDonagh, The Banshees of Inisherin du même réalisateur c'est un mélange idiosyncratique de situations absurdes, de mélancolie, d'humour noir et surtout de grande solitude. C'est aussi et surtout l'une des meilleures performances d'un ensemble d'acteurs que j'ai vu depuis très longtemps (Colin Farrell et Brendan Gleeson bien sûr, mais aussi et surtout Kerry Condon et Barry Keoghan).

Pádraic (Colin Farrell) et Colm (Brendan Gleeson) sont deux amis qui se disputent parce que l’un ne veut tout simplement plus être ami avec l’autre. Pourquoi ? Parce qu’il a pris conscience de la rapidité avec laquelle sa vie passe et qu’il ne veut pas la gaspiller avec des gens ennuyeux. L’autre s’offusque (évidemment) et commence à essayer de reconquérir l’autre jusqu’à ce que l’obstination de son ami fasse déborder son animosité qui couve.

En réalité, le film tourne autour de trois histoires, qui ont ont toutes leurs conclusions parfaites et qui se croisent intelligemment. Comme dans 3 Billboards, il y a un mélange parfait d’humour et de tragédie. Les trois histoires tournent autour de Pádraic qui accepte difficilement que son meilleur ami Colm ne veuille plus rien faire avec lui, de sa sœur Siobhan qui essaie de trouver un but dans sa vie et de Dominic qui vit la pire des situation possible dans sa vie (je n'en dirai pas plus, pour ne pas spoiler).

Au début, je m’identifiais beaucoup au personnage interprété par Brendan Gleeson, parce que je me sentais comme lui. La vie est trop courte pour la consacrer à des relations qui n’ajoutent pas de valeur à la sienne. Mais voilà, son comportement devient de plus en plus "extrême" (pour le moins qu'on puisse dire) et j'ai fini par réaliser à quel point ce bonhomme est malade. Ma sympathie s'est alors reporté sur le personnage interprété par Colin Farrell ... jusqu’à ce que je commence à réaliser à quel point il est égoïste et à quel point ses propres actions sont davantage motivées par le désir d’être aimé que d'aider son ami.

Ce sont tous des personnages qui traitent de l’existentialisme inhérent au fait d’être des êtres humains, avec tous leurs défauts. Et nous nous voyons en eux, à la fois dans le bon et dans le mauvais de l'être humain. Et bien que le film se déroule en 1923, on a vraiment l'impression que Martin McDonagh a cherché l'inspiration du côté de la dernière pandémie, pour montrer l’isolement et la solitude provoqués par le covid.

Kerry Condon vole la vedette à tout le monde dans le rôle de Siobhan, la sœur de Colin Farrell. Elle est un antidote à l’angoisse masculine qui imprègne ce petit village irlandais. Alors que les hommes se contentent de mijoter, de pleurnicher et de se plaindre de vies ennuyeuses et inutiles (alors qu’ils ne font rien pour la changer), elle en a marre de voir à quel point sa vie à elle est ennuyeuse et décide de saisir sa chance pour trouver son propre bonheur. Quant à Barry Keoghan qui joue l'idiot du village (et amoureux de Siobhan), c'est peut-être le personnage le plus déchirant du film ... mais une fois encore, je n'en dirai pas plus, pour ne pas spoiler.

Et puis il y a Colin Farrell dans le rôle de Pádraic. Colin Farrell nous a habitué à de grandes performances au cours de ces 20 dernières années (Le Nouveau Monde, Miami Vice, Le Rêve de Cassandre, Bons baisers de Bruges, The Lobster ...), mais Banshees c'est vraiment son moment "Eureka". Pádraic c'est un rôle en or pour lui et sa performance ne déçoit vraiment pas, son timing comique et la profondeur de son jeu sont juste incroyables.

J'aurais souhaité peut-être davantage de profondeur sur le développement du personnage de Colm. J'ai pensé tout le long du film que ses agissements (pour certains assez extrêmes) cachaient quelque chose de plus profond, qu'il dissimulait jusque là. Mais finalement non, ce qui m'a empêché d'éprouver suffisamment d'empathie pour bien le comprendre. Ses réactions extrêmes sont assez irrationnelles et ça m'a semblé dingue qu'on puisse aller aussi loin pour une simple histoire d'amitié qui prend fin.

De peur que tout ce que j’ai écrit jusque là vous donne l'impression que The Banshees of Inisherin est très sombre et déprimant ... ai-je également mentionné qu’il est très, mais alors vraiment très drôle ? Alors certes, c’est drôle à la façon Martin McDonagh, c’est sûr ... mais si vous êtes adepte, tout comme moi, de l'humour noir et décalé, alors vous allez rire de bon cœur (tout du moins au début, dans la première moitié du film). Il m'a peut-être finalement manqué un impact émotionnel similaire à celui de 3 Billboards pour être totalement convaincu, mais c'est bien sûr très personnel. En revanche, rien à redire sur le jeu des acteurs, tous sont absolument excellents.

Créée

le 19 janv. 2023

Critique lue 477 fois

18 j'aime

13 commentaires

lessthantod

Écrit par

Critique lue 477 fois

18
13

D'autres avis sur Les Banshees d'Inisherin

Les Banshees d'Inisherin
Procol-Harum
8

Dark Irish comedy

Faut-il voir dans le quatrième long métrage de Martin McDonagh l’esquisse d’un film somme ? Ou le point de départ, peut-être, d’un renouveau cinématographique ? Il constitue en tous les cas une...

le 31 déc. 2022

49 j'aime

8

Les Banshees d'Inisherin
Jb_tolsa
5

L'âne de la colère

Si j'ai été convaincu par les précédents films de Martin McDonagh (surtout par ses 7 psychopathes), je lance sa dernière production grâce au bouche à oreille, sa note excessive sur senscritique et ce...

le 22 déc. 2022

48 j'aime

28

Les Banshees d'Inisherin
Beebop
9

L'homme est un être acharné qui finit décharné

Ne vous fiez pas à l'apparente simplicité du pitch (une amitié brisée du jour au lendemain). Le film de Martin McDonagh propose une œuvre puissante et noire sur la bêtise humaine et la vanité de...

le 18 janv. 2023

34 j'aime

5

Du même critique

Kaamelott - Premier Volet
lessthantod
7

À un moment, il monte à une tour ...

Tout d'abord, je précise que j'aime Kaamelott dans son intégralité et que par conséquent, j'adhère totalement à l'évolution de la série et à son changement de ton entre les quatre premiers livres,...

le 22 juil. 2021

38 j'aime

28

Le Cercle rouge
lessthantod
8

Et n'oubliez jamais ... tous coupables !

Le cercle rouge est le douzième et avant dernier film de JP Melville et c'est un film que beaucoup considèrent encore aujourd'hui comme son chef d'œuvre absolu. C'est aussi un film qui a marqué les...

le 15 août 2021

37 j'aime

19

Les Bonnes Étoiles
lessthantod
6

Les inadaptés

Les Bonnes étoiles est le dernier film de Hirokazu Koreeda, un drame social touchant qui repose beaucoup sur son ambiance très soignée et sur un casting vraiment très bon, en premier lieu Song...

le 12 déc. 2022

35 j'aime

2